René BARET




Hommage de Frédéric Pottecher

A son décès, Frédéric Pottecher lui adresse cet hommage, publié par La Liberté de l'Est du 18 mars 1982 :

La disparition de René Baret qui a été un ami fidèle de jeunesse et une sorte de compagnon très sûr de mon âge mûr, me touche d'étrange façon... Il me semble que je le revois lorsque nous nous rencontrions en compagnie de mon oncle Maurice Pottecher, dans ce modeste petit bureau du Théâtre du Peuple. C'était il y a... 30 ans, peut-être plus, je ne sais plus...

Dans ce temps-là, Baret - Goëry Coquart - avait écrit des centaines d'articles sur le Théâtre du Peuple, sur les pièces de mon oncle, sur tous ceux qui participaient à "l'œuvre commune"... Il y avait eu le "Père Flot", puis Blaudez et d'autres qui ne sont plus non plus. Puis est venu le temps de Liénard et d'autres amis spinaliens qui se sont dévoués pour le Théâtre du Peuple, qui aiment ce théâtre "pas comme les autres", et que lui, notre Goëry, avait si bien compris et tant aimé. Il avait trouvé des mots justes, des expressions sincères, un ton surprenant de clarté et d'enthousiasme pour parler, pour penser et pour écrire dans La Liberté de l'Est.

Nous tous, Pottecher et autres, à Bussang, nous l'aimions bien. Nous aimions son petit béret, son oeil bleu, bon et lucide, sa démarche lente, son éternelle cigarette... Car Goëry, il était unique et nous donnait l'impression que nous étions, à cause du théâtre, nous aussi, uniques.

Je l'ai revu il y a deux ans, dans son petit appartement d'Épinal. Il vivait dans les livres, des montagnes de livres... Il lisait des quantités d'ouvrages romanesques, classiques et historiques. Il m'a donné l'impression de tout savoir sur Michelet, sur le cardinal de Retz, sur le procès de Pétain... sur le procès des quatre sergents de La Rochelle. Il ne parlait pas de ce qu'il écrivait lui, des vers très tendres et très harmonieux, qu'il ciselait littéralement. Il avait le goût de la perfection. Il me faisait penser à Léon Paul Fargue.

Cher Goëry, qui donnait tant à son Épinal ! A son vieil Épinal ! Il me racontait des histoires cocasses du vieux Tété Loyal et d'autres personnages dont je ne puis vous dire les noms...

Il est parti, mais sa disparition me le rend plus proche encore. Que les siens trouvent ici les condoléances d'un Bussenet, d'un ami très cher, très ému et très fidèle.

Adieu Goëry.

Frédéric Pottecher.

 

Hommage de Pierre Christophe

Le même jour, 18 mars 1982, le journaliste spinalien Pierre Christophe publie cet article dans L'Est Républicain :

Figure spinalienne par excellence que celle de René Baret, arpentant, tant qu'il le put, les rues de la cité avec son immuable béret basque et sa cigarette toujours éteinte et toujours rallumée, son élocution lente mais qui retrouvait vigueur lorsqu'il s'enthousiasmait ou qu'il s'irritait, tandis que le regard de cet exquis conteur pénétrait profondément son interlocuteur.

Ce célibataire endurci qui avait accompli toute sa carrière professionnelle dans divers services de la préfecture avait plus d'une corde à son arc.

Le sport : il avait pratiqué athlétisme et football et avait été associé à la fusion de deux clubs spinaliens, ASC et Stade Saint-Michel d'où devait naître le fameux SAS (Stade Athlétique Spinalien). Pendant de longues années, il fréquenta les stades, collaborant régulièrement à la rubrique sportive d'un confrère spinalien. Nul ne s'étonna de lui voir décerner la médaille d'or de l'éducation physique et des sports.

Le sport... puis la littérature et les arts. Il avait pris pour pseudonyme Goëry Coquart, le titre de l'un des romans historiques de René Perrout. Rien qu'à cette époque - celle des François Blaudez, des Henri Guingot, des Robert Chevalier - tout ce qui touchait la littérature, les arts, la musique ne laissait indifférent Goëry Coquart, dont on admirait le style et l'écriture.

Co-auteur avec l'abbé Javelet et le chanoine Émile Lacourt de Fleurs de nos épines, Goëry Coquart avait été couronné par les Jeux floraux de Toulouse.

Enfin et surtout Bussang. "On ne dira jamais assez, a écrit Frédéric Pottecher, les services rendus au Théâtre du Peuple par René Baret d'Épinal". Il vécut l'intimité de Maurice Pottecher, de Tante Camm, de Pierre Richard-Willm.

Il faudrait un complet ouvrage pour publier la correspondance échangée entre Goëry Coquart et "le Padre", tous deux victimes de sinistre en 1940-1944. "Je ne veux pas me casser la tête. Des amis que je sais qui ont subi des pertes plus graves ont oublié de gémir", écrit le 21 février 1944 Maurice Pottecher au fidèle René Baret, qui suit depuis de si longues années les efforts du Théâtre du Peuple de Bussang et a beaucoup contribué à y attirer le public lorrain.

Correspondance avec Tante Camm (la compagne de Padre) qui dit à René Baret : "Je n'ai pu résister au désir qui m'a poussée à vous écrire quelques mots de gratitude. On est toujours reconnaissant à ceux qui vous aiment. Et je vous pardonne de me placer trop haut puisque c'est votre amitié qui me louange".

Cette amitié demeurera au cœur de ceux qui en furent les bénéficiaires.

René Baret s'en est allé discrètement. Décédé dans l'après-midi de lundi à la clinique Saint-Pierre-Fourier (non loin de son domicile de la rue du Doyenné), il a été inhumé mercredi, en toute intimité, comme il l'avait souhaité dans le caveau de famille au cimetière Saint-Michel.

Ce vieux monsieur n'avait pas voulu non plus que l'on révèle son âge...