Robert JAVELET *




Pseudonymes : Robert FRANCE, Jean SERZA.

Biographie

1990 : Dictionnaire des Vosgiens célèbres




JAVELET (Abbé Robert), théologien, écrivain et journaliste

Épinal, 8 juillet 1914 - Épinal, 19 mai 1986

L'abbé Javelet. Fils d'un agent général d'assurance établi dans le quartier du Champ du Pin, il est élevé dans un esprit d'obéissance et de piété. Il fait ses études primaires à l'École Saint-Goëry où il est un élève brillant. Dès son plus jeune âge, il milite dans des groupes de jeunesse chrétienne et y fait preuve d'initiative en créant en 1926 avec son ami Pierre Christophe, futur journaliste, une feuille périodique, tirée sur pierre humide, le Captivant. Cette revue paraîtra régulièrement jusqu'en 1937. Après le certificat d'études obtenu dès l'âge de 11 ans, il entre, en dépit d'une santé fragile, au petit séminaire de Mattaincourt où il réalise de remarquables études secondaires.

Durant les vacances, loin de se reposer, il déborde d'activités : patronages, colonies, etc... En 1935, il entre au grand séminaire de Saint-Dié non sans avoir au préalable effectué son service militaire à Morhange au 166ème régiment d'artillerie de forteresse. Le 9 octobre 1938, il est ordonné prêtre, à la suite de quoi il est nommé professeur au séminaire de Droiteval. Lors de la mobilisation, en septembre 1939, il rejoint son régiment en Moselle et, pendant la drôle de guerre, le jeune prêtre fait preuve d'une activité apostolique débordante en fondant un foyer catholique du soldat et un journal de régiment, L'Amphibie.

Fait prisonnier du côté de Saint-Dié, il est frappé de dysenterie, hospitalisé à Strasbourg, puis guéri, transféré au camp d'Oberhoffen. Là encore, il se multiplie, veillant au ravitaillement des prisonniers affamés, facilitant les évasions et participant à la création d'un théâtre. Refusant le rapatriement qui lui est proposé en raison de sa santé chancelante, il estime que son devoir de prêtre est de rester auprès de ses compagnons d'infortune. Il connaît la vie des stalags d'Outre-Rhin pendant cinq longues années : Hiberach-an-der-Niss, Ludwigsbourg et Hacknang ; partout il noue de solides amitiés.

De la Libération jusqu'en 1947, il enseigne au séminaire de Martigny, puis reprend ses études supérieures en s'inscrivant à la Faculté de Nancy où il obtient plusieurs licences. Il soutient ensuite deux thèses de doctorat d'État, en philosophie et en théologie. Parallèlement, il assure depuis le 1er octobre 1947 les fonctions d'aumônier du lycée d'Épinal. Le 1er septembre 1959, il est nommé au CNRS et représente la France, en matière de philosophie, dans les congrès internationaux et prononce de nombreuses conférences. La même année, il entre, en qualité de professeur, à la Faculté de théologie catholique de Strasbourg où il dispense des cours remarquables. Titulaire de la chaire de philosophie-théologie, il prend sa retraite de professeur en 1982.

Pendant de nombreuses années, il organise des pèlerinages à Rome, Lisieux, Lourdes, etc... particulièrement pour ses anciens amis prisonniers de guerre. Il est d'ailleurs un des collaborateurs réguliers du journal Eux et Nous, organe des anciens P.G. des Vosges. C'est au retour d'un pèlerinage à Lourdes en 1977 qu'il décide de créer un journal, Horizons lorrains, dans lequel il défend ses convictions religieuses que sans pouvoir être taxées de traditionalisme ou d'intégrisme (sa fidélité à Rome est indéfectible), n'en demeurent pas moins assez éloignées des théories modernistes.

L'oeuvre littéraire de l'abbé Javelet est particulièrement éclectique. Il raconte ses souvenirs de captivité dans Mon curé chez les P.G. et Camarade curé (prix Erckmann-Chatrian en 1961). Poète, il donne plusieurs recueils de vers : Les Barbelés ont fleuri, Le Sourire vient d'éclore (1953), Fleurs de nos épines en collaboration avec R. Haret et E. Tourlac (1960), Jeux de la terre et du ciel (1962).

En 1962, il fait représenter une pièce de théâtre sous le titre de La Dame en bleu dans laquelle sa prédilection pour le culte marial s'affirme. Il consacre à sa ville natale deux études historiques solidement documentées et d'une grande richesse iconographique : Épinal à la Belle Époque (1969) et Épinal images de mille ans d'histoire (1972). Mais c'est aux études philosophiques et religieuses qu'il consacre tous ses soins. Spécialiste de la littérature religieuse du XII° siècle, il contribue largement à révéler quelques figures méconnues de cette époque, Thomas Gallus notamment.

Quatre ouvrages fondamentaux en font un des plus savants douziémistes de notre temps :
- Psychologie des auteurs spirituels du XII° siècle (1959),
- Intelligence et amour chez les auteurs spirituels du XII° siècle,
- L'Amour spirituel face à l'amour courtois,
- et Image et ressemblance au XII° siècle de saint Anselme à Alain de Lille (1966) qui fut sa thèse d'État pour le doctorat de théologie.

Plus tard, le souci pastoral domine dans Intelligence de la foi, exposé de la doctrine catholique (1977) pour lequel il reçoit les encouragements de Paul VI. Il met à profit ses dernières années pour composer encore deux autres ouvrages, Marie, la femme médiatrice et L'Unique médiateur Jésus et Marie que l'on peut considérer comme son testament spirituel.

L'abbé Javelet fut par ailleurs le collaborateur de nombreuses revues d'érudition, donna une multitude d'articles pour des encyclopédies ; enfin il accomplit un travail colossal comme directeur de l'encyclopédie catholique Catholicisme, publiée par Letouzey et Ané. Au cours de sa riche existence, il sut parfaitement concilier l'érudition historique, le souci pastoral enfin l'orientation mystique et spirituelle.


Bibl. : Borella (Jean).- Robert Javelet : le théologien ; et Merenne (Ghislain).- L'Abbé Robert Javelet : une vie au service de Dieu et de son prochain dans Horizons lorrains, N° 103, juin 1986.


[Pierre Heili].