Louis MADELIN *




Biographie

Né le 8 mai 1871 à Neufchâteau (Vosges), Louis Madelin a été élevé dans la haine pour l?Allemand : son père, le procureur Amédée Madelin, pris en otage par les Allemands, aurait du être déporté à Breslau. Il fut libéré quelques jours avant la naissance de son fils.

Quatrième d?une famille de treize enfants, Louis Madelin vécut ses premières années à Bar-le-Duc. Afin de lui donner une éducation religieuse, son père l?inscrivit à l?école Fénelon de Bar-le-Duc.

Ce choix, que l?on peut qualifier de politique dans le contexte historique naissant de la Troisième République, détruisit la carrière juridique d?Amédée Madelin. Marie Bonnet, mère de Louis, issue d?une famille de grande Robe, éleva ses enfants dans la rigueur d?une éducation noble et religieuse. Louis vécut jusqu'à son départ pour Paris au sein de cette famille traditionaliste à la foi religieuse très présente.

Élève studieux, peu doué pour les sciences, Louis Madelin se consacra naturellement à sa passion : l?Histoire. A la faculté de Nancy, il se fit rapidement remarquer par Charles Pfister qui allait le préparer à l?agrégation. A 20 ans, Louis Madelin fut le plus jeune agrégé d?histoire en France. Se dirigeant vers Paris sans savoir réellement ce qu?il allait entreprendre, il entra à la fois à l?École des Hautes Études, qui le mena deux ans au palais Farnèse à Rome sous la direction de Mgr Duchesne, et à l?École des Chartes. Médiéviste d?origine (il voulait se consacrer à Louis XI), c?est une pièce présentée par Victorien Sardou, Madame sans gêne, qui le décida à étudier la figure ombrageuse de Fouché. Il soutint sa thèse sur ce personnage en 1901 et obtint la mention honorable.

Lavisse, alors maître de la Sorbonne, critiqua vivement cette thèse qu?il jugea être une « réhabilitation » du personnage de Fouché. Cet acerbe jugement empêcha Louis Madelin d?accéder au professorat. Il fut un temps chargé de cours libres à la Sorbonne, mais ne devait jamais être titulaire d?une Conférence. Il se dirigea vers la politique et vers l?histoire ??extra-universitaire??.

La politique ne lui était pas étrangère. Il fréquenta, dès ses années d?études à Paris, le Cercle Molé-Tocqueville et la Conférence Ozanam qui, comme l?a démontré Gilles Le Beguec, jouait un rôle dans ??les conditions d?accès au palais Bourbon??. Après s?être présenté plusieurs fois, il réussit à être élu député des Vosges en 1924 sur une liste d?Union nationale républicaine. Il ne resta au palais Bourbon qu?une seule législature. Après son échec aux élections de 1928, il ne reparut jamais sur la scène parlementaire. L?activité politique de Louis Madelin ne fut pas pour autant terminée. Par ses articles dans L?Écho de Paris et dans La Revue des Deux Mondes, il commentait les décisions politiques de son temps. Sa dernière intervention politique publique date de 1948, lorsqu?il présida le comité de libération du maréchal Pétain, emprisonné à l?île d?Yeu.

L?alternative académique de l?Histoire, opposée à l?Histoire universitaire, allait révéler la qualité de revuiste de Louis Madelin. Il donna de nombreux articles à la Revue des Deux Mondes, à La Petite Gironde, à L?Écho de Paris, à Historia, etc?

Élu en 1927 à l?Académie française au fauteuil de Robert de Flers, il suivit assidûment les séances de l?Académie jusqu'à sa mort. Robert Kemp lui succéda.

De fait, sa reconnaissance ne fut pas politique mais littéraire. Ses ?uvres, ses conférences, eurent un écho important en France et outre-Atlantique. Président de la Société des Conférences, membre de L?Alliance française et de la Société des gens de lettres, il fit de nombreuses conférences aux États-Unis, au Canada et en Europe. Parmi ses livres les plus reconnus, on peut citer, outre Fouché : La Rome de Napoléon, Danton, La Révolution, La France de l?Empire, Talleyrand? et enfin sa grande ?uvre en 16 volumes commencée en 1936 et terminée quelques mois avant sa mort : L?Histoire du Consulat et de l?Empire.

La compréhension et l?étude de l?Histoire avaient, pour Louis Madelin, des vertus sociales. L?ensemble de son ?uvre est empreinte de dévouement patriotique et de gloire nationale. Ceci explique peut-être son choix pour l?épopée napoléonienne. Il percevait la Révolution comme une période d?anarchie, et la période napoléonienne comme un retour à l?ordre. Son goût pour l?ordre et pour la nécessité de l?Église, structurant la société, sont très présents dans ses livres et notamment dans Les Grands serviteurs de la Monarchie, L?Histoire politique de la France de 1515 à 1815 sous la direction de Gabriel Hanotaux dans la collection Histoire de la Nation Française et dans ses deux volumes sur Le Crépuscule de la Monarchie.

Pour terminer, il convient de ne pas négliger ses livres de guerre. Louis Madelin fut d?abord à Verdun simple sergent au 44e régiment territorial. Il fut ensuite attaché à l?Information, où il fit la connaissance de Foch et de Pétain. De ces quatre années de guerre, il retira la matière de plusieurs ouvrages : La Victoire de la Marne, La Mêlée des Flandres et La bataille de France, mais aussi une compréhension plus grande des problèmes militaires qui devait favoriser son travail lorsqu?il entreprendra ses grandes études napoléoniennes. Par ailleurs, sa conduite devait lui valoir la Croix de Guerre. Historiographe de la première guerre mondiale, ses ?uvres furent vivement critiquées après guerre par les tenants de l?Histoire universitaire. Cela allait agrandir le fossé entre l?histoire telle que l?écrivait Louis Madelin et l?histoire structurée par les schèmes universitaires.

L?homme et son ?uvre, opposés à l?Université, méritent d?être étudiés plus en profondeur afin de déterminer ce qu?ils représentaient le plus, i.e. l?alternative académique de l?histoire et ses modalités d?écriture et de diffusion.

Louis Madelin est mort à Paris le 18 août 1956.

Johan Ranger.