Le Lexique vosgien - 1

Le lexique vosgien,
les régionalismes lorrains et quelques traditions locales
dans les romans de Pierre Pelot

par Raymond PERRIN.

 

Un tel glossaire reste un peu subjectif, même si les écarts par rapport à la langue commune et actuelle - écarts semblant autoriser ce lexique - sont à apprécier en fonction de l'absence des termes définis (sauf rares exceptions, concernant surtout le bois et ses métiers), dans des dictionnaires contemporains, tels le Petit Larousse ou le Petit Robert.
Après diverses (et âpres) discussions sur le Net, certains mots, présents dans la première version ou fraîchement ajoutés, ont été ôtés à la demande de Pierre Pelot, car ils manquaient de " vosgitude ".
Malgré la suppression des deux tiers des mots signalés, il en restait une douzaine, soit le plus souvent présents dans les glossaires lorrains, soit appartenant au vocabulaire du bois et de ses métiers. Il s'agit de : bangard, bardage, chablis, débardage, dosses, esbaubi, essarts, grumes, rapailles, ru (associé à rupt), sagard, trôler.
Bien que "huit encore ne sont pas des vosgitudes de fond" selon Pelot, acceptant de ne pas jouer "les monstres affamés", j'ai cru bon de conserver ces mots. Qu'il soit remercié ici pour sa mansuétude !

 

Légende
n. b. p. : note en bas de page, dans la première édition du roman.
A la suite de l'exemple, entre parenthèses, indication du titre du roman en italiques, puis de la page de référence, dans la première édition. : (.... ; ....).

Lettres A - E   Lettres F - Z.

altata : excité, agité, bruyant, bavard, ayant tendance à exagérer. "Il était allé prendre des nouvelles après la venue du voisin (qui pouvait se montrer volontiers altata)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 977).

les andains : (sens plus restrictif, qui délaisse la ligne régulière résultant de la coupe). "Il y avait pas mal de gens dans les prés tondus, qui fanaient, ou bien qui relevaient le foin en andains" (Le Cœur sous la cendre ; 40). n. b. p. : Bourrelet de foin fauché, en ligne régulière que les faneurs forment au râteau.

l'araignée : assemblage de lattes de bois placé contre un mur de la cuisine, et permettant de fixer des ustensiles grâce à des crochets. "A une araignée de bois pendaient toutes sortes d'instruments de cuisine, et des couteaux impressionnants, ainsi que des touffes de buis" (La Nuit sur Terre ; 45)

une "arrête" de bus : 1. féminin utilisé dans les Hautes-Vosges pour un arrêt, une station. "C'est pas une arrête de bus, mon garage" (Une Autre saison comme le printemps ; 16).
2. On dit aussi qu'une usine est "en arrête" quand son activité est interrompue.

les aurores : l'aube, emploi inhabituel du pluriel. "Debout aux aurores, Théo se servait du matin pour accomplir les grosses tâches de la journée" (Les Canards boiteux ; 73)

avec (employé sans l'expression du complément) : en supplément ou, pour accompagner. "Man posa le grand plat de pommes de terre grillées au centre de la table, puis le plateau de buis sur lequel trônaient deux fromages.
- J'ai fait une salade avec, dit Man. J'espère que ça ira." (Je suis la mauvaise herbe ; 59)

avoir : auxiliaire employé à la place de l'auxiliaire "être".
1. "C'que j'm'ai dit, c'est : en v'là encore une. Encore une autre, une de plus, en v'là encore une autre. J'm'ai dit ça." (Elle qui ne sait pas dire je ; 26).
2. "J' m'aurais jamais dit qu'en somme le malheur soye capable de continuer si tant en dessous de lui-même. J'm'aurais jamais dit." (Elle qui ne sait pas dire je ; 28).
3. "Alors, j'm'ai levé, j'm'ai habillé, me v'là comme je suis là." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 228)

le ballon, les ballons : Petit Robert : Nom donné aux montagnes des Vosges. "Il attendait l'instant où, derrière un virage, le ballon d'Alsace apparaîtrait, avec encore peut-être sur la tête une calotte de neige. De la neige en juillet, là-haut, cela s'était déjà vu (...) Au Ballon de Servance également" (Le Pain perdu ; 12).

la ballonge (de la cuisinière) : réservoir intégré à la cuisinière. "[...] la cuisinière et sa ballonge de cuivre au robinet qui fuit et sous lequel il faut prévoir une boîte de conserve vide ou un récipient quelconque." n. b. p. : Réservoir jouxtant le foyer, et fournissant de l'eau chaude. (Le Pain perdu ; 30)

le banc de pots : meuble rudimentaire constitué d'étagères, cachées parfois par un rideau et, dans le meilleur des cas, de tiroirs. "Les meubles étaient toujours là, à leur place, une fois pour toutes décidée. Le buffet blanc, les chaises et la table, le banc de pots dans l'angle, avec son rideau de cretonne que l'appétit des rats avait transformé en dentelle." n. b. p. : Sorte de vaisselier bas, sans portes, pour casseroles. (Le Pain perdu ; 30).

le bangard : garde-champêtre, garde-forestier du territoire banal. "Colas Collin, bangard des terres forestières de la seigneurie de Pont-lez-Remiremont (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 82).

[bardage] : bardé (de bois).
1. (Duz ; 13) : planches grossièrement taillées (note de l'éditeur). "Sur le pignon bardé de bois grossièrement écorcé, on pouvait lire: Au pied des Ballons."
2. "La maison était basse (...) la plus grosse part (de la façade) était mangée par le pignon, tapissé d'un bardage de bois que le vent, la pluie et la neige avaient rongé au fil des ans, comme les os d'un cadavre." (Suicide ; 72)

baubi (on dit souvent : "m'étonne baubi si…") : interjection qui exprime l'interrogation, parfois l'étonnement, le doute ou l'incrédulité.
1. "Elle se dit Si le vent passe sur les essentes, baubi s'il ne va pas les retrousser et laisser pleuvre dedans ? " (C'est ainsi que les hommes vivent ; 93).
2. " - Baubi si ceux qui l'ont enfautrée t'l'ont dit aussi ?
- Baubi, dit Claudon. " (C'est ainsi que les hommes vivent ; 480).
3. " Baubi comment que ça se passera, qu'elle se dit. Et moi pareil. Baubi si ça se passera bien." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 618).
Voir aussi : "ébaubi" ou "esbaubi".

béguinette : sobriquet utilisé dans les Hautes Vosges et donné à une "gamine" délurée dans le récit "Cimetière aux étoiles". Ce surnom venant du mot désignant un bonnet de laine ou de toile porté par la gent féminine. Mot plus péjoratif : "béguinon". (Cimetière aux étoiles ; 7).

le bero : sorte de chariot à deux roues. "Il retrouva sans difficulté le bero à deux roues fabriqué par le vieux Colas Sansu pour transporter le fumier des litières" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 1049).

la bérouette (mot patois respectant l'étymologie : véhicule autrefois à deux roues), la brouette. "Les gamins sur le bord du grand trou lâchèrent les bras de la bérouette qu'ils poussaient et tiraient" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 839).

un beu-beu : un idiot. "C'est pas non plus l'beu-beu-ci qu'a l'air de mieux savoir causer aux biques qu'aux gens… " (C'est ainsi que les hommes vivent ; 621).

un beuchtô : être tordu, de caractère difficile, (on dit aussi : tôngnat). " (…) et les hommes demandaient qui était ce beuchtô et on lui répondait de ne point s'en occuper. " (C'est ainsi que les hommes vivent ; 640).

la blaude : large blouse plutôt courte portée par les hommes. "Maman Claudon marcha vers le gamin tout en s'essuyant les mains dans les plis de la vaste blaude qu'elle portait sur sa robe" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 218-219).

la boâïesse (ou bouâïesse) : souvent péjoratif, la fille. "- Vas-y, rentre, dis Dimanche. Pis toi aussi, la boâïesse, dit-il à la Muette sans la regarder." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 735).

les boquillons (ou bouquillons) : bûcherons vosgiens. "On trouvera p't'êt' une cabane de boquillons, ou des charbonniers..." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 246).

un borbet (ou bourbè) : bourbier, amas ou flaque de boue. "Y a pas moyen d's'en'chapper c'est pas pire que si t'étais tombé dans un borbet. C'est pas vrai ?" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 248).

botter (lier en botte) : "Puis il s'occupa à "botter" des liteaux, par paquets de vingt ou trente, suivant le métrage." (Le Pantin immobile ; 150).

la bouach'rie ; la bôacherie : porte à deux battants du grenier à foin, accessible par un plan incliné ou par une échelle.
1. "Après le grenier, c'est la porte de la bouach'rie qui s'ouvre en grinçant." (Le Septième vivant ; 86). n. b. p. : Porte d'accès découpée dans le pignon des greniers, par où on engrange le foin.
2. "Et puis la ferme.(...) avec sa "boâcherie", la porte de la grange à foin de l'étage, de guingois, aux vantaux maintenus par une barre de bois transversale et deux perches plantées de biais dans le sol" (Si loin de Caïn ; 148).
3. "et l'odeur même de ce vent de Comté qui râle dans la boâcherie par-dessous les essentes." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 301). Terme utilisé dans la vallée de la Haute-Moselle.
(Dans la vallée jumelle de la Moselotte, on utilise le mot "bôtchées" au féminin pluriel).

le boâchot : sorte de conduit de cheminée "à l'air libre" sous le toit, dans la boâcherie. "la gueule ouverte du boâchot dans le grenier" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 42).

boudou, boudouse : menteur, menteuse. "(…) il disait : Couche-té, boudouse, tu d'vrais pas parler comme ça, Claudon dit qu'on en a arsé pour moins." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 197)

boueller (ou bouêler, ou bouâler) : pleurnicher bruyamment, pleurer en criant.
1. "Tantôt tu bouellais que j'te creuve pas, Gresser, dit doucement Dolat." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 774).
2. "Deo glissa et tomba (…), immense et cassé et boêlant soudain comme un veau à grandes lamentations (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 881).

les bouottes (ou bouates, aoûtats) : 1. "Brice (...) aspira religieusement et rejeta par les narines un long, un épais nuage de fumée.(...)
- Ca éloigne les bouottes dit Papa (...) (Je suis la mauvaise herbe ; 50) n. b. p. : Aoûtats, en patois : larves dont les piqûres provoquent de vives démangeaisons.
2. "Les bouottes étaient mauvaises comme des mouches d'orage, alors que rien dans le ciel rouge du couchant n'en laissait présager une approche." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 258).

bourriauder : malmener physiquement, manipuler, faire souffrir. "Il évitait ses œillades suppliantes égarées par la douleur (…), la bourriaudant sans grande prévenance (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 485).

la bouyasse : la boue, la fange (on dit aussi : "bodère"). "et ils riaient et s'interpellaient aux marchés, cherchant peut-être à isoler dans cette bouyasse de visages flous et de regards enfumés les traits des amis, les figures des gens de Pont" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 105).

un braco : un morceau de bois taillé, le rondin de bonne taille, un gourdin. "Il a cette marque sur le front, met'nant, et moi j'me dis que c'est pas seulement la trace d'un coup donné par les mauvaises gens qui l'ont baculé comme il a dû l'être, au braco ou au caillou." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 407).

la brayette (en patois, se dit encore brayatte ou brayotte): la braie de la culotte, la braguette. "et ce qu'elle vit (…) fut ce renflement de la braguette des chausses de Corberan (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 89).

breiller : écraser, casser. "Elle en moucha un, le gros ferreur de bœufs, d'un coup du bout du bâton qui lui breilla le nez (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 561).

les brimbelles : 1. n. b. p. : myrtilles. (Je suis la mauvaise herbe ; 149).
2. "Le pourtour de sa bouche et ses joues, ainsi que ses mains, étaient maculés de jus de myrtille ; (...) son short bleu (...) portait au fondement le sceau de la brimbelle écrasée." (Ce soir, les souris sont bleues ; 17).

les brimbelliers : "La pente de gauche était dépourvue d'arbres, mais couverte de brimbelliers chargés de baies." (Duz). - "[l'ombre] s'étalait par-derrière elle et devant les brimbelliers (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 83).

les calendes : averses de neige violentes et brèves, au printemps.
1. "Quelques flocons épars étaient tombés en cours de matinée, mais à présent c'était l'averse blanche comme en plein hiver. <>, disait le père, et le temps qui vacille encore, qui hésite entre les saisons (...). (Fou comme l'oiseau ; 138).
2. "Ce temps pourri, dit Clam sur un ton sentencieux, un beau jour, un jour moche... on appelle ça les calendes de mars, hein ? mais je ne suis pas certain que cela désigne quelque chose de précis. Le véritable sens du mot " calende " est ailleurs. J'ai regardé ça sur le dictionnaire, hier soir." (La Nuit sur Terre ; 16).

le "catchoum" : le cours d'instruction religieuse, autrefois, le jeudi, jour de congé. "La fraîcheur de l'église, les messes du jeudi matin, suivies du catéchisme : le caté, ou encore le "catchoum", jusqu'à la communion solennelle, (...)." (Le Pantin immobile ; 33).

les chablis : désignent les arbres arrachés, déracinés, cassés. Ils sont les victimes du vent, des tornades, (comme celle qui affecta la plaine des Vosges en 1984, et davantage encore la "tempête du siècle" de décembre 1999 ! ), de la vieillesse ou d'un mauvais entretien des forêts. Dans les Vosges, le mot est employé comme substantif pluriel : "Cette forêt-là, si personne n'y avait coupé quoi que ce soit, (...) elle s'étoufferait en broussailles et en arbres morts, en chablis." (Les Neiges du coucou ; 32).

chapper : lâcher, laisser s'échapper. "- C'que j'pense, (…) c'est que le rejeton se forme et qu'il faudrait pas qu'il nous 'chappe." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 233).

les charpagnes : corbeilles ou paniers à deux anses pour le transport du bois ou des pommes de terre (on dit aussi : baûgeattes ou baûgeottes).
1. "Y z'embarquent leurs poissons par charpagnes". (Elle qui ne sait pas dire je ; 45).
2. " (…) la même odeur des brins de saule épluchés à blanc et trempés pour le tressage d'une charpagne (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 301).

le charri (ou "charru" ou "chéru" ou "chétrir" selon les vallées vosgiennes) : Première partie de l'engrangement, après la porte cochère, il permet soit l'accès à la grange, soit à la partie habitée ou encore à la fontaine, voisine de l'étable (mais il existe beaucoup de variantes dans les accès possibles ! ).
1. [Antonio entre dans la ferme : ] "L'odeur chaude du "charri" et puis cette douce et jaune lumière que deux lampes-tempête diffusaient, le suffoquèrent littéralement (...). C'était une odeur animale, moite, mélangée à celle du lait crémeux et du fumier." (Les Étoiles ensevelies ; 133).
2. "On entendit ses pas sur les dalles du "charri", puis la porte cochère qui claquait." (Le Pain perdu ; 63). note : Sorte de hall, donne sur les pièces d'habitation, (et) sur les étables.
3. "Une sorte de "hall" au sol pavé de grosses dalles inégales, usées, et partagé comme suit : devant, un couloir droit (...). A droite, la barre droite du L dont il avait la forme (...). (Suicide ; 79).
4. "Brice avait retrouvé l'odeur du charri (...)" (Je suis la mauvaise herbe ; 51).
5. "… cette maison dont il conservait quelques souvenirs-flash (...), le petit bruit de l'eau qui coulait au bassin du charri...". (Les Canards boiteux ; 41).
6. " Les hirondelles qui avaient fait leur nid dans le "charri" de la ferme étaient perchées sur l'abat-jour de la lampe, au-dessus de la fontaine." (Ce soir, les souris sont bleues ; 307).
7. "Deo fit irruption par la porte cochère entrouverte du charri (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 218).

"le chaud" ou chau : le bon petit giron "accueillant" (p. 44) "(…) brave Elison récitant des apaisements, spectre blanchâtre en chemise, dans "le chaud" de qui (…) elle avait retrouvé un calme bienheureux de retour au pays des vivantes (…)". (C'est ainsi que les hommes vivent ; 144). " (…) elle avait juste fait tomber les mains de ses hanches et se tenais paumes ouvertes tendues vers les petites, prête à les accueillir dans son chau (…)". (C'est ainsi que les hommes vivent ; 708).

la chaume, les chaumes : pâturage élevé ou sommet dénudé :
1. "Ils faisaient un peu de bétail. Une quinzaine de vaches en pâture sur les chaumes pelées, des moutons, quelques chèvres." (Les Neiges du coucou ; 135).
2. "Chaume sur les Ballons, c'était la dernière info à décrypter." (La Nuit du Sagittaire ; 179).

la chavande ou la "chévande" : bûcher de la Saint-Jean, parfois très haut et de forme originale, édifié par les conscrits de l'année (voir "Feux de la Saint-Jean"). "Les jeunes étaient en train de hisser contre le mât central l'ossature du premier côté de la "chévande" pyramidale". (Le Pain perdu ; 35).

une chenôïe : une sorte de lanière, collier autrefois en bois pour attacher une vache à l'étable.
1. "Elles lui mirent la bouche ouverte avec un collier de chavratte en coudrier, une chenôïe, passée derrière la tête, la barrette transversale dans la bouche pour maintenir les mâchoires écartées." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 635).
2. "D'un geste régulier, Bastien tapotait avec la lame de son couteau la chenoïe de frêne qu'il était en train de tailler pour la courber (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 709).

chercher le lait (le plus souvent avec un pot) : "Irène à Elian : "Vous étiez chercher le lait"" (chercher = quérir, prendre à la ferme) (Ce soir, les souris sont bleues ; 112).

chigner : geindre. n. b. p. : pleurnicher. "Licette, rouge et collante, "chignait" en traînant les pieds, ses rubans de cheveux lamentablement dénoués et pendant comme des fleurs fanées." (Je suis la mauvaise herbe ; 97).

le "chin'-gomme" : prononciation fautive pour "chewing-gum". "(...) ces jeunes hommes aux cheveux fous qui mâchent leur "chin' -gomme" ..." (Le Cœur sous la cendre ; 78).

chouffer (pour un chat, éructer de colère).
1. "(…) le chat n'avait même pas crié, ni rien, ne s'était pas rebiffé, lui qu'on n'aurait pas cru un instant pouvoir seulement toucher du bout du doigt sans qu'il chouffe ou vous saute au nez (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 530).
2. "Il plut à vache qui pisse pratiquement chaque jour ; les corrues à flanc de montagne cascadèrent en chouffant (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 740).

choûiller : glisser. "(…) un gros rougeaud au souffle court, un crapoussin ferreur de bœufs de la rue des Peurrots, valdingua cul par-dessus col et choûilla sur la neige durcie (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 559).

(à) côayotte : accroupi(e), à croupetons.
1. "(…) elle avançait à coâyotte, le cul frôlé et chatouillé par le sainfouin, puis redressée, le dos creux, ventre et seins tendus (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 83).
2. "(…) son esprit était ailleurs, loin d'ici, un jour de fin de printemps où petite fille à coâyotte près du ruisseau des saules (…) elle avait vu en plein milieu du jour s'approcher une chevrette et son faon sur l'autre rive (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 105).
3. Pelot écrit aussi : "Dolat se laissa choir à croupiote sous l'escalier (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 309)

une couâquesse : un cri de surprise ou de douleur. "Il poussa une brève couâquesse de douleur et de saisissement (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 774).

couche-té : impératif : tais-toi !
1. "- Alors couche-té… et mange, ragouna Demange Desmont." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 19).
2. "(…) il disait : Couche-té, boudouse, tu d'vrais pas parler comme ça, Claudon dit qu'on en a arsé pour moins." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 197).
3. Au pluriel : "Cougi-vô boudouses ! c'né point mi : Taisez-vous, menteuses, ce n'est pas moi". (C'est ainsi que les hommes vivent ; 639)

les counailles : les corneilles, souvent confondues avec les corbeaux. "un malheureux épouvantail à counailles" (Elle qui ne sait pas dire je ; 39).

les counaïes (autre transcription).
1. "Des corbeaux passèrent en criaillant, chassant une buse qui filait sans demander son reste et s'efforçant juste d'échapper aux attaques de la bande de counaïes." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 519).
2. "Bastien avait saisi Dolat (…), il l'avait sorti en le portant à bout de bras comme un de ces mannequins de chiffon et de paille à pendre dans les arbres pour l'épouvantement des counaïes (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 625)

les corrues : Sorte de sentier grossier et très pentu aménagé par les grumes lors du débardage.
1. "Il n'y avait guère d'endroit plus mauvais que Morteville; des à-pics et les corrues comme ce n'est pas croyable, sans parler des cavalcades de roches." (Les Neiges du coucou ; 36). n. b. p. : Passages en pente raide dans la forêt.
2. "Cette fois, Patte-Folle parla de son père, qui était mort en forêt, sur une " corrue " de débardage, tué net par une grume volante." (Le Pain perdu ; 117).
3. " Tous les débardeurs refusaient maintenant de risquer leurs tracteurs, et leur vie, dans ce paysage de rocs, de corrues impraticables et de silence engoncé entre les flancs abrupts des montagnes" n. b. p. : sentiers à pic (La Forêt muette ; 17).

les courte-gueule : sabots sans lanière, plutôt réservés aux hommes. "Il montait à l'échelle sans retirer ses sabots, les orteils recorbillés pour empêcher les courte-gueule de glisser (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 486).

les courtes : raccourci, souvent en pente raide, du moins dans la montagne vosgienne. "Ils descendirent par les courtes, sans presque dire un mot." (Je suis la mauvaise herbe ;132)  n. b. p. : Chemins de raccourci.

les Criaulés : fête profane et religieuse. Procession lors de la Pentecôte pour célébrer la translation des corps des saints, Amé, Romaric et Adelphe, dans l'église de Remiremont. "Ils cherchaient l'aventure (…), à l'affût de ces jeunes filles (…), toutes ces femmes, ces servantes, ces jeannetons qui remplissaient la ville sous prétexte des Criaulés." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 302).

les cri-cri : manège de fête foraine constitué de sièges maintenus par des chaînes et tournant à vive allure. "Ensuite, il y a eu les " cri-cri ". Le manège était là, juste ici. Un mât et un plateau, en haut, avec des chaînes et des sièges suspendus. Et allez, hop ! Que ça tournait." (Le Cœur sous la cendre ; 64-65).

le croissant : 1. "Charlie avait dégagé un espace d'environ cinquante ou soixante mètres carrés, fauchant les ronces touffues à grands coups de croissant." (La Forêt muette ; 37). n. b. p. : Large serpe au fer, en forme de croissant, emmanchée sur une longue hampe.
2. "sa main droite fermée sur le manche lisse du croissant débroussailleur, il appuyait mainte-nant sur l'outil cette énorme fatigue qui paraissait l'habiter". (Elle qui ne sait pas dire je ; 7).

la cuérchâïe : chair dure, viande de mauvaise qualité, excroissance nerveuse. "(…) puis la hache que l'homme maniait d'une seule main tourna et remonta en gouttant des fragments de cuérchâïe (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 273).

la cupotte, la grande cupote (ou courpélé, ou cul-bodot, ou cul-bâillotte…) : la culbute volontaire, la galipette cul par-dessus tête. "(…) il se souvint avoir fait grande cupotte avant que sa tête porte au dur et qu'il perde l'esprit" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 278).

le darou (forme locale du dahut) : animal imaginaire sensé se déplacer perpendiculairement à la pente, d'où la taille différente de ses pattes droites et de ses pattes gauches. Créé pour berner les touristes trop naïfs.
1. "On dit que le Darou est un animal rare, une sorte de renard, avec les deux pattes latérales plus courtes que les deux autres : c'est étudié pour qu'il puisse marcher à flanc de pentes. On le chasse avec un sac, une lanterne à l'affût.(...) (Pauvres zhéros ; 64).
2. "C'est pas à lui que tu pourras faire avaler une histoire de darou comme à certains(...)" (Ce soir, les souris sont bleues ; 198).

le débardage : Ce mot bien français est indissociable des Hautes Vosges. C'est le transport des grumes et des " tronces " (Les Neiges du coucou ; 33). Il suit parfois le "lançage" des grumes sur les pentes.

piste de débardage : piste souvent provisoire pour "lancer" les grumes. "Là finissait la piste de débardage, qui glissait tout au long du pré, depuis la forêt jusqu'au creux de la vallée : une saignée de terre labourée (...) ". (Je suis la mauvaise herbe ; 27).

débarder : " - Débarder (dit Paulin), c'est amener les bois depuis l'emplacement de la coupe jusqu'au bord d'un chemin où un camion pourra venir les charger et les emporter vers la scierie." (Les Neiges du coucou ; 54).

les débardeurs : les bûcherons chargés du transport des grumes. "Le sol était profondément marqué par les empreintes crénelées des camions forestiers et tracteurs de débardeurs." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 32).

la "demoiselle" : le scarabée. "Un scarabée d'émeraude traversa la cour, étincelant, son ombre entre ses pattes. (...) Quand la " demoiselle " quitta son champ de vision, le chat cligna des yeux et referma lentement les paupières." (Ce soir, les souris sont bleues ; 12).

descendre au village : lorsque l'on habite dans une vallée "en amont".
1. " Il était tout de même bien descendu au village de temps en temps, non ? Ne serait-ce que pour acheter des provisions ? " (Suicide ; 17).
2. " Il était descendu au village en pédalant pépère, talons en dedans, genoux au dehors, ou ne pédalant pas du tout (...)." (Ce soir, les souris sont bleues ; 102).

devant : endroit situé devant la maison, souvent ensoleillé. " Sur le banc de devant, Irène et Mme Violet étaient assises, dans la frange d'ombre qui commençait de s'élargir au bas du mur, de ce côté-ci de la maison." (Ce soir, les souris sont bleues ; 120).

derrière : partie arrière de la maison, généralement à l'ombre.
1. "Elle hésitait, entre la porte de façade et celle, dite " de derrière ", sur le mur nord." (La Nuit sur terre ; 27).
2. "[Anjo] n'osait s'installer sur l'autre banc , celui de la cour de derrière, de crainte qu'elle ne le vît de la fenêtre de sa chambre (...)." (Ce soir les souris sont bleues ; 249).

des fois : pour "parfois", ou "il y a des fois où...".
1. "Il y a des fois où le chantier de coupe est situé au diable, dans un endroit incroyable. On y va avec le tracteur et on traîne les grumes." (Les Neiges du coucou ; 54).
2. "C'est comme ça qu'elle parle, des fois." (Elle qui ne sait pas dire je ; 57)

distillée (boire un coup de distillée) (ou gnôle) : mot utilisé à la place de l'expression eau-de-vie sans doute pour signifier malicieusement que l'on a soi-même distillé cet alcool. "Il ne rechignait ni sur le travail ni sur le coup de rouge honnête ou le dé à coudre de distillée." n. b. p. : alcool blanc de fruit. (...). On dit une distillée comme on dirait une poire, une prune, etc. (Les Neiges du coucou ;133).

les dosseaux (ou dosses) : n. b. p. : La première " planche " de la coupe d'un tronc : une seule face plane, l'autre face encore couverte de l'écorce. "Le sol était couvert de sciure, des tas de dosseaux formaient comme un petit muret." (Le Pantin immobile ; 129).

les draps de foin : pièce de toile résistante que l'on utilisait pour porter le foin, en nouant les quatre coins. (on dit aussi : un furet ou un cendrier). " Brice, qui vendait des aiguilles et du fil, couchait dans les fossés quand nulle grange ne lui ouvrait ses draps de foin." (Je suis la mauvaise herbe ; 44).

les écarts  : (administratif ou régional selon le Petit Robert).
1. "La route qui courait à flanc de coteau, distribuant les écarts, était goudronnée (...)." (Le 16e round ; 50).
2. "On avait beau être un écart, on était plus important qu'en bas. On avait une école, on avait une chapelle, des tas de commerces, oui." (Ce soir, les souris les souris sont bleues ; 228).

échampdié (ou échandié) : éparpillé dans le plus parfait désordre.
1. " Ils se contentèrent d'être là à regarder (...) la pente du ravin avec ce qui subsistait des rondins "échampdiés" tout le long, comme on dit de ce côté-ci des montagnes(...)". (Ce soir, les souris sont bleues ; 298)
2. "Va et regroupe tous nos gens que tu pourras r'trouver. Y sont tous échandiés dans les entours…" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 1042).

écouayé (e) (ou écoâyée) : accroupi (e), ratatiné (e), à croupetons.
1. "(…) son toit évoquant la vaste robe d'une matrone grasse écouayée (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 29).
2. "Elle était écoâyée dans l'angle du foyer contre le jambage du manteau, tassée dans le retrait, barbouillée de sang coagulé, les mains couvertes de coupures." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 529).

éfousné : excité, énervé, survolté. "C'est comme ça qu'un jour il est v'nu ici, le voilà qu'arrive, tout éfousné, un jour, un soir, et on l'a pas r'vu de longtemps (…)" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 1036).

eicueuyé : pressé et excité, empressé, lancé. "- S'il a ouï le raffut, et sûr qu'il l'a ouï, y s'est eicueuyé par les accourcies (…)." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 792).

l'envers (ou l'ubac) : seul le premier mot est utilisé dans les Vosges.
1. "- Ensuite... elle est venue avec moi. Pour aller à Bussang. On a pris le chemin de l'envers, par les collines." (Le Pantin immobile ; 159).
2. "Il regarda les pans de la montagne, les collines dont il savait le nom depuis toujours et pour chacune -au-delà il en voyait même l'ubac camouflé - les prés, les essarts, les jachères (...)." (Si loin de Caïn ; 36).

s'ensauver (s'enfuir, se sauver) : semble construit sur la contraction de se sauver et du verbe synonyme s'enfuir.
1. "J'aurais bien préféré m'ensauver. " (Elle qui ne sait pas dire je ; 27).
2. "Ils vont s'ensauver ! s'écria Mansuy. Tous les deux, Bon Jésus de Bon Dieu !" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 235).

l'épinette : instrument de musique à corde pincée, courant autrefois dans la massif vosgien, du Val d'Ajol à Gérardmer. "Dès l'entrée de la cohorte désordonnée dans les salons de l'hôtel, les joueurs de vielle et d'épinette se mirent à jouer." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 341).

esbaubi (ancienne graphie de ébaubi) : fortement surpris, (faire l'ébaubi : être étonné), a donné le mot patois vosgien : "baubi".
1. "Elison hoqueta, le gris de son visage blanchoya vilainement et elle porta les mains à sa poitrine en dardant sur la fillette un regard si esbaubi qu'il faisait craindre à ses yeux ronds de rouler hors de leur écarquillement." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 134).
2. "Dolat en resta muet, esbaubi, bouche ouverte." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 441).

les essarts : terrains défrichés, souvent entourés de murs de pierres sèches.
1. "(Les enfants) allaient faire des jeux et s'envolaient dans les forêts, sur les essarts au flanc de la montagne." (Le Cœur sous la cendre ; 26).
2. "La route dépassait les essarts et les champs de pâture." (Je suis la mauvaise herbe; 96).
3. "Il regarda (...) les prés, les essarts, les jachères" (Si loin de Caïn ; 36).
4. "Au cours de promenades en compagnie des dames et de leurs escortes par des chemins vitement habituels à travers prés et champs, les sentes menant au bas essarts sous les lisières, Apolline apprit aussi du regard cette partie de la vallée" (C'est ainsi que les hommes vivent ; 177).

les essies (ou essis, essentes, ais ou aisseaux) : bardeaux de bois pour couvrir la "charpenterie" du toit, ils servent alors de tuiles. Ils peuvent aussi protéger le pignon et constituent la "ramée", sur le côté ouest, exposé à la pluie. Ils sont alors plus fins, de petites dimensions et superposés en quinconce. ("ehhais" en patois de la Haute Moselotte). "La fumée montait des cheminées, ou filtrait à travers les couches d'essies quand il n'y avait pas de conduit à fumée extérieur, au sortir de la gueule du boâchot dans le grenier." (C'est ainsi que les hommes vivent ; 42).

les ételles : éclats de bois résultant de l'abattage de l'arbre, ou résidus de bois cassé. "Quand je ne suis pas trop saoul, je me traîne jusqu'au quai d'embarquement de la gare. Là où ils chargent les billes de bois sur les wagons. Il y a toujours un tas d'ételles qui brûlent et la petite baraque des gars qui font de la râperie". (Le Cœur sous la cendre ; 150).

être aux framboises (ou "aux brimbelles") : être parti cueillir des framboises. "- J'attendrai qu'ils reviennent de leur cueillette de framboises (...). Elle dit, calmement : - Il n'est pas ici. Ce sont mes filles qui sont aux framboises". (Le Pain perdu ; 101).

Suite : F - Z.

 

Page créée le dimanche 2 mars 2003.