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L'Assassin de Dieu

 

Préface de Claude ECKEN,
pour L'Assassin de Dieu, Éditions Encrage, 1998, pages 7-9 (collection Lettres-SF dirigée par Gilles DUMAY).

 

Pierre Pelot est avant tout un auteur de romans. Il n'a écrit qu'une quarantaine de nouvelles, principalement au cours de la première moitié des années 70, alors que les revues et fanzines de science-fiction étaient légion. Beaucoup appartiennent au registre du fantastique, d'autres au western ou à la littérature générale. Il faudrait ajouter à cette comptabilité les splendides nouvelles tirées du recueil De soleil et de sang, qui retracent l'histoire d'une ville de l'Ouest depuis la conquête jusqu'à la période contemporaine, ainsi que quelques brefs récits de Dylan Stark proposés en complément des romans de la série.

Dans les années 80, Pelot se fait encore plus rare. On ne relève que huit textes, dont un seul, Première mort, relève de la science-fiction. Dans les années 90, trois nouvelles apparaissent sous sa signature, mais aucune de science-fiction. On le sait, l'auteur est un coureur de fond qui a besoin d'espace pour développer un récit. Sa respiration est ample, peu adaptée aux écrits miniatures. Les histoires qu'il choisit de raconter sous cette forme sont souvent des démonstrations : l'action y est ramassée en un point, une action, qui trouve une conclusion une fois délivrés les tenants et les aboutissants. Elle est fréquemment racontée à la première personne, alors que ce procédé est inexistant dans les romans.

Le dénominateur commun de ces textes reste la révolte contre une société déshumanisante, davantage préoccupée par la conquête économique, spatiale, que par le bien-être des citoyens. La science-fiction française est alors politique, et Pelot y fait figure d'oracle, sans brandir d'étiquette (il n'en affiche aucune) mais en refusant catégoriquement toute atteinte à la liberté humaine. La conception de l'anarchie qu'il développe dans ses romans n'apparaît pas dans ses nouvelles; seul le refus de se soumettre à une autorité de fait est ici exprimée, argumenté par les dégâts que de tels systèmes peuvent occasionner.

Embrigadement de la jeunesse, contrôle des individus, guerre d'expansion sont les thèmes déclinés avec obstination, sur un ton dénonciateur. Pelot part en guerre contre la répression sous toutes ses formes, avec l'espoir que la liberté d'expression reprendra ses droits : les personnages de Razzia de printemps, de Bulle de savon, sont autant de grains de sable grippant la mécanique totalitaire parce que non conformes à l'idéal de la société. Le retour de bâton peut également avoir une origine externe : les "extraterrestres" de Danger, ne lisez pas ! ou de Je Suis La Guerre partent à la reconquête des territoires dont ils ont été spoliés. Pionniers, sur le mode inverse, illustre la liberté retrouvée de ceux qui ont refusé la logique expansionniste.

Une attention toute particulière est accordée au monde de l'enfance, interprété comme étant celui de l'innocence mais surtout de la liberté totale. La nostalgie de cette période est particulièrement émouvante dans Bulle de savon, où un père cherche à retrouver, à travers son fils, l'esprit fantasque de l'enfance. Cette indépendance d'esprit ne peut qu'être réprimée par un pouvoir dirigiste qui confond éducation et asservissement. Plusieurs nouvelles témoignent de ce constat : Le Test, où dès son plus jeune âge un enfant est orienté selon ses capacités, Des fragments de cristal, paru dans l'anthologie Mouvance consacré à l'éducation, qui intègre à un monologue consacré à l'enfance des préceptes extraits d'un authentique manuel de dressage de chiens, enfin les textes déjà cités que sont Bulle de savon et Razzia de printemps.

Pelot est attentif aux dérives insensibles. C'est une fissure, et puis une autre, vingt, trente fissures qui s'élargissent, qui crèvent... Et ils ont fait de moi un des leurs, ou presque, obéissant scrupuleusement aux Voix des Commandements... même si je résiste. Avec pour seule ressource d'autodéfense, dérisoire rébellion, la faculté de jouer encore avec des débris de cristal . Le révolté est toujours un solitaire qui agit à son niveau, selon ses moyens. Il ignore si d'autres partagent ses idées ; il ne cherche pas à les édifier en dogmes ou en principes au nom desquels une nouvelle société serait édifiée, tout aussi critiquable que la précédente, mais il se bat au nom de ses principes, de sa dignité, et parce qu'il faut bien réagir d'une manière ou d'une autre : "D'autres que moi ? Un "je" Dans cette foule un pion quelconque, un "je" égaré, tout frissonnant d'effroi, sans même savoir que cela vaut peut-être la peine de lancer la bouée, de tirer une fusée, de tenter je ne sais quelle forme de S.O.S."

Sa seule arme reste le témoignage. C'est pourquoi abondent les conteurs, mémoires des erreurs humaines. Qu'ils s'appellent Teolp (Le Raconteur), Lo (Je Suis La Guerre), ils représentent de manière très transparente l'auteur et défendent sa position de témoin réprobateur. Si les actes sont vains, car sans conséquence face à la brutalité et la répression, la parole a au moins le mérite de rappeler les fautes passées pour tenter de prévenir les prochaines.

C'est pourquoi il est accordé beaucoup d'importance aux légendes et aux récits transmis du fond des âges : loin d'être des mythes, ils sont le souvenir authentique mais déformé des malversations de l'homme, colporté en guise de mise en garde.

Le pessimisme dont ces récits font état ne permet guère de nourrir d'illusions quant aux issues prochaines. Nulle immanence ne peut intercéder en faveur de l'espèce. Il n'y aura pas de miracle salvateur. Celui qui occupe le trône de Dieu n'est strictement Rien : un idiot sourd, muet et aveugle, parfait représentant d'une société incapable de gérer sa destinée. Si l'homme s'est inventé un Dieu, c'est aussi pour l'assassiner...

Il subsiste cependant quelques îlots d'espoir. Pelot a toujours été habile pour trouver, au fond de chaque individu, la parcelle de bonté, d'authenticité, qui l'absoudra, déceler la fragilité, la maladresse qui le rendent attachant. Il sait que la beauté de certaines de ses oeuvres, quelques uns de ses admirables talents suffisent à racheter ses fautes. Numéro sans filet est un petit chef d'œuvre qui montre bien que l'homme, malgré ses défauts, mérite sa place dans l'univers.

Pelot n'a peut-être pas foi en l'humanité mais il croit dur comme fer en certains de ses membres. Et quelques uns des individus présentés ici, exemplaires de simplicité, de sincérité, permettent de croire que tout n'est pas perdu.

Et que les raconteurs ne racontent pas toujours en vain.

 

Claude Ecken.

 

 

Page créée le mardi 3 février 2004.