Biographie vosgienne

Jean Joseph Amable HUMBERT
 
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Dictionnaire des Vosgiens célèbres

HUMBERT (Jean-Joseph-Amable), général

Saint-Nabord, 22 août 1767 - La Nouvelle-Orléans (USA), 3 janvier 1823


Le général Humbert. Ce fils de Jean-Joseph Humbert, cultivateur et négociant, et de Catherine Rivat est, dès sa première jeunesse, un rude gaillard aux larges épaules et aux poings solides qui préfère la maraude et le braconnage au modeste enseignement qui lui est dispensé dans l'école du village. Les quelques lettres conservées de lui révèlent une orthographe plus qu'hésitante. Il quitte de bonne heure la maison paternelle pour courir les grandes routes, exerçant les métiers les plus divers : maquignon, colporteur, et même, dit-on, marchand de peaux de lapins. Il se rend peut-être à Paris, sûrement à Lyon, où on le trouve sergent de la milice citoyenne en 1789 lorsque la Révolution éclate.

De retour dans les Vosges, il s'engage en août 1792 dans le 13e bataillon de volontaires composé des jeunes surnuméraires des districts de Bruyères, Darney et Remiremont. Le 11 du même mois, ses camarades, impressionnés par son allant et un sens indéniable du commandement, l'élisent capitaine de la 4° compagnie. Il est envoyé sur le Rhin et, en mars 1793, il se trouve dans Mayence assiégée. Après la reddition de cette ville en juillet, son bataillon est affecté à l'armée de l'Ouest.

Humbert prend part aux combats de Cholet et de Laval en octobre 1793, puis à l'écrasement des Vendéens à Savenay le 23 décembre. Le 20 ventôse an II à Cholet, à la tête de 450 grenadiers, il impose de lourdes pertes à l'armée de Stofflet, ce qui lui vaut d'être nommé général de brigade sur le champ de bataille. Dans ces guerres, dites de pacification de la Vendée, il fait preuve de modération et de mansuétude, au point d'être remarqué par Hoche qui le prend sous ses ordres lorsque ce dernier arrive en novembre 1794 au commandement de l'armée des côtes de l'ouest.

De décembre 1794 à mai 1795, il sert d'intermédiaire entre les Républicains et les Chouans dans le but d'amener ceux-ci à déposer les armes, mais, moins bon diplomate que capitaine, il échoue dans son entreprise et doit à son amitié avec Hoche de ne pas être accusé de trahison. Du 16 au 18 juillet 1795, il prend une part active à la reddition des royalistes débarqués dans la presqu'île de Quiberon, mais ne participe pas à la répression qui s'ensuit. Sa réputation est cependant ternie par la vie dissolue qu'il mène à Laval et à Rennes et par une accusation de prévarication lancée contre lui par un de ses subordonnés à propos d'un trafic de fer des forges de Moisdan.

Après un bref retour à Remiremont au printemps 1796, Humbert est à nouveau envoyé en Bretagne pour y préparer avec Hoche une expédition visant à débarquer en Irlande. Il met sur pied, sous le nom de Légion des Francs, une troupe de 2000 hommes qui s'embarque le 15 novembre sur Les Droits de l'Homme, le Nestor et le Casoard parmi d'autres navires français. La flotte sort de Brest le 15 décembre, mais elle est dispersée par la tempête et privée de son navire amiral. Le vaisseau Les Droits de l'homme, sur lequel se trouve Humbert, poursuit sa navigation et arrive en vue des côtes d'Irlande dans la baie de Bantry (24 décembre). Mais, isolé, il doit rebrousser chemin et rentrer en France où il est attaqué le 14 janvier 1797 dans la baie d'Audierne par deux frégates anglaises. Le combat dure douze heures pendant lesquelles Humbert prouve une nouvelle fois son courage physique avant de regagner la terre ferme sur un radeau de fortune.

Après l'échec de cette première expédition d'Irlande, Humbert est envoyé, à la tête de sa Légion des Francs reconstituée, à l'Armée de Sambre-et-Meuse. On le trouve à Bruxelles, Cologne puis à Mayence d'où il est rappelé pour prêter main-forte à Augereau à Paris au moment de la tentative royaliste contre le Directoire en août 1797. C'est ainsi qu'il prend part au coup d'état républicain du 18 fructidor.

En janvier 1798, il est à nouveau désigné pour être employé à l'armée d'Angleterre. A Brest, il réunit des troupes modestes mais expérimentées : c'est avec 1019 hommes qu'il compte débarquer en Irlande, venir au secours des révoltes, marcher sur Dublin, proclamer la république irlandaise et écraser à tout jamais l'Angleterre ! Embarquée sur trois vaisseaux, l'expédition quitte Brest le 6 août 1798 et arrive en vue des côtes irlandaises le 20. Le débarquement a lieu dans la baie de Killala, sur la partie occidentale de l'île. Humbert s'empare de la ville de Killala, entre dans Ballina, et, grâce au ralliement de nombreux Irlandais, inflige aux Anglais une cuisante défaite à Castlebar. De là, il s'avance vers l'intérieur des terres en direction de Dublin, franchit le Shannon au sud du lac Allen, mais, submergé par le nombre et privé des secours promis par le Directoire, il est fait prisonnier le 8 septembre à Ballinamuck.

Libéré sur parole, Humbert est de retour en France dès la fin de 1798. Accusé d'avoir outrepassé ses consignes, il est expédié une nouvelle fois à l'armée de Mayence puis sur le Danube, sur les ordres de Soult et de Masséna. A Zurich, le 4 juin 1799, il met en déroute les Autrichiens du Prince Charles. Dans la même ville, en novembre, il prend part à la sanglante bataille qui voit l'entière défaite de l'armée russe de Souvarov.

Passé sous Brune à l'armée du Rhin (novembre 1799), il arrive en Hollande pour assister à l'évacuation du pays par les Anglais. Envoyé à Nantes par le premier consul qui se défie de lui, il tente en vain d'obtenir l'autorisation d'organiser une nouvelle expédition en Irlande ; il s'embarque cependant en 1801 pour les Antilles sous la direction de Leclerc, beau-frère de Bonaparte. A Saint-Domingue, Leclerc l'accuse de concussion, de pactiser avec les noirs révoltés et le renvoie en France dès 1802.

Il se rend en Bretagne, au château de Crévy, près de Ploërmel, qu'il avait acquis en 1796. Dans cet exil, il éprouve des difficultés financières croissantes. Il tente en vain d'obtenir un nouveau commandement. Il harcèle le ministre de la guerre de ses requêtes. Peu apprécié de Napoléon Bonaparte, il est réduit à un désoeuvrement total jusqu'en 1809, date à laquelle il reprend momentanément du service en Hollande sous les ordres de Clarke. En 1812, il est autorisé à émigrer vers les États-Unis. Débarqué à Philadelphie, il fait un court séjour à Washington puis se rend à la Nouvelle-Orléans, où il fait la connaissance des frères Lafitte, pirates célèbres des Caraïbes et où il fréquente les milieux interlopes. Les tentatives anglaises contre la Louisiane lui donnent encore l'occasion de faire le coup de feu en mettant son épée au service du gouvernement américain.

Après 1815, de plus en plus désoeuvré, il s'adonne à la boisson, vivant modestement d'une pension que lui accorde le gouvernement français. Au sein de la petite colonie française de la Nouvelle-Orléans, il ne passe pas inaperçu. Ne sortant jamais sans son uniforme de général de la République, il devient une figure populaire de la ville. Sa vie aventureuse se termine anonymement loin de sa patrie dans une demi-pauvreté.

Après sa mort, Humbert devient un sujet de légende dans ses Vosges natales : on alla jusqu'a écrire qu'il planta un drapeau tricolore sur le rocher de Saint-Nabord plusieurs années avant l'adoption en 1789 de notre emblème national ! ; qu'il séduisit Pauline Bonaparte, épouse du général Leclerc, lors de son séjour à Saint-Domingue, ce qui aurait été la cause de sa disgrâce auprès de Napoléon ; que sa famille descendait rien moins que des princes de Savoie,... etc... etc...

Le général Humbert n'a pas besoin de ces pures inventions pour accroître sa notoriété : en Irlande, son expédition libératrice reste gravée dans la mémoire collective et sa personne y demeure très populaire. Pur héros républicain pour l'écrivain François Ponsard qui en fait le personnage principal de sa pièce Le Lion amoureux, ramené à la simple dimension d'un général incapable, véreux et massacreur de Vendéens par les historiens de la Révolution quand il n'est pas complètement oublié par eux, la réalité est que le général Humbert représente une personnalité attachante. Si chez lui l'action l'emporte souvent sur la réflexion, si son amour de la vie l'amène souvent à être mêlé à des affaires d'argent pas toujours très honnêtes, on ne peut mettre en doute son patriotisme, quelquefois poussé jusqu'à la naïveté, ni son attachement indéfectible aux principes républicains. Avec un tel caractère, sa seule bravoure physique ne suffit point à le faire mieux utiliser par l'Empereur, auquel cas, nul doute que le général Humbert eût acquis la même réputation que bien des maréchaux d'empire qu'il valait largement.


Bibl. : Poulet (Henry).- Un soldat lorrain méconnu : le général Humbert (1767-1823), Nancy, 1928.
Baeyens (Jacques).- La Vie aventureuse de Jean-Joseph-Amable Humbert, général de la République (1767-1823), in Le Pays de Remiremont, N° 3, 1980, p. 3-17 et Sabre au clair, Amable Humbert, général de la République, Albatros, 1981.
Jacotey (M.-L.).- Un volontaire de 1792, le général Humbert ou la passion de la liberté, 1981.


[Pierre Heili].