Biographie vosgienne

Henri VALENTIN
 
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Annuaire statistique et administratif des Vosges / Charton fils

VALENTIN Henri, dessinateur.- Henri Valentin est né à Celles, de parents peu aisés ; aussi ses commencements furent-ils difficiles, et, comme beaucoup de nos plus célèbres artistes, ne dut-il ses succès qu'à sa persévérance et qu'à son énergie. Pour arriver, il lui fallut se faire lui-même.

A vingt ans, il partit pour Paris, et sans guide, sans soutien, seul dans la grande ville, il sut, au bout de quelques années, se créer une position honorable dans le monde artistique. Mais ses succès, il ne les obtint qu'au prix d'amers déboires, d'obstacles sans nombre. Lorsque, sorti victorieux de la lutte, il osa regarder derrière lui, son coeur se serra au souvenir des difficultés vaincues, des amertumes passées, et il resta sous le poids d'une mélancolie qui ne le quitta plus. Peut-être est-ce là le germe de la maladie qui nous l'a ravi si tôt.

Un homme d'esprit, M. Philipon, le fondateur du Charivari, du Journal pour rire, etc., entendit parler du talent du jeune dessinateur ; il l'alla voir et lui demanda un spécimen de son savoir-faire. Séduit par la grâce et la finesse de son crayon, il n'hésita pas à lui confier un travail important pour un début. Il s'agissait de mettre en action, d'illustrer une série de proverbes populaires. Valentin s'acquitta si bien de sa tâche que la publicité s'empara de son nom pour l'inscrire parmi ceux de nos artistes les plus distingués. Depuis cette époque, sa réputation ne fit que grandir. Mais le succès ne diminua pas son infatigable ardeur. C'est alors, dit un de ses amis, qu'on le voyait assis à sa table de travail depuis sept heures du matin jusqu'à huit heures ou neuf heures du soir. Aussi ne faut-il pas songer à donner l'énumération des oeuvres qui sortirent de son crayon ou de sa plume.

Après un pareil début, suivi de travaux plus importants, il ne faut pas s'étonner de voir l'Illustration, cette oeuvre que tout le monde connaît, ouvrir ses portes à Valentin. Il en devint bientôt le principal et souvent l'unique dessinateur. Le Magasin pittoresque eut quelquefois recours à lui. Mais sa gloire s'étendit plus loin que la France. L'Angleterre sut apprécier son talent hors ligne, et ses nombreux travaux le rendirent populaire parmi nos voisins d'outre-Manche. Valentin aurait voulu se livrer tout entier à la peinture; son crayon ne suffisait pas à son imagination ardente ; mais il a dû, comme tant d'autres. courber la tête sous le joug de la nécessité . Que voulez-vous ? disait-il à ses amis. Je n'étais pas assez riche : il fallait d'abord vivre. L'église d'Allarmont possède une des rares toiles sorties du pinceau de cet artiste. Il passa les dernières années de sa vie à visiter l'Afrique et l'Espagne, glanant çà et là de précieux matériaux pour une oeuvre qu'il n'a pu commencer. Dans ses longues pérégrinations, il contracta un mal qui jeta de profondes racines dans son organisation. Ramené dans les Vosges, il goûta pendant quelques jours le bonheur d'y revoir son vieux père, puis il partit pour Strasbourg réclamer les secours de la science. Mais les soins furent impuissants et rien ne put ranimer cette existence trop compromise.

Le 11 août 1855, au couvent de Sainte-Barbe, il fut enlevé par une attaque d'apoplexie séreuse. Il est mort dans toute la force de l'âge et du talent ; il avait 35 ans à peine. Suivant un désir qu'il a plusieurs fois manifesté, comme s'il eût pressenti sa fin prochaine, ses restes mortels ont été déposés dans le cimetière d'Allarmont, auprès d'une soeur chérie qu'il adorait et dont la mort prématurée avait été sa première et sa plus cuisante douleur. [1856].