Biographie vosgienne

Adrien BAILLY
 
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La Liberté de l'Est - Vosges

Oncle de l'écrivain Henri Thomas
A. Bailly disparaissait il y a quarante ans

Adrien Bailly, ancien directeur des Ecoles Professionnelles Supérieures de Thaon-les-Vosges puis de Mulhouse, est mort à Gugnécourt le 28 février 1955. Il passera à la postérité surtout grâce à son neveu, l'écrivain Henri Thomas, qui parle de lui dans plusieurs de ses livres. Puissance de la littérature.


Adrien Bailly est né le 23.10.1875 à Nexlard, un écrat de Saint-Etienne-lès-Remiremont, fils de Jean-Claude Bailly, cultivateur parti aux USA sans retour, et de Amélie Houot, cultivatrice. L'enfant pauvre allait chaque jour à l'école en faisant plusieurs kilomètres à pied en sabots, par tous les temps. Brillant élève à l'école primaire, il sortit plus tard professeur agrégé de mathématiques de l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud. A partir de 1895, il exerça plusieurs années à Pondichéry (Inde) et à Saint-Louis-du-Sénégal. Il rentra se marier à Gugnécourt avec Marie Lacour et repartit pour le Sénégal. Puis, dans l'attente du premier garçon, il opta pour le retour en métropole et fut professeur dans deux ou trois postes, dont Amiens, avant d'être nommé directeur de l'Ecole Professionnelle Supérieure de Thaon-les-Vosges, avant 1914.

Il a été mobilisé une partie de la Grande Guerre, au 43e à Nompatelize, et au groupement d'aérostation A3G. Après la guerre, il devint directeur de l'Ecole Professionnelle de Mulhouse, devenue depuis le lycée Lambert où il finira sa carrière en 1936.

Grâce à Jules Ferry

L'établissement préparait à l'entrée aux Arts et Métiers, à l'Ecole Supérieure de Filature, tissage, bonnetterie, et donnait des cours spécialisés de mécanique auto et avion, et de préparation militaire. M. Bailly sera décoré des Palmes académiques, promu officier de l'Instruction publique et prendra sa retraite à Gugnécourt dans la ferme de sa femme. Dans une ferme voisine viendra vivre une institutrice retraitée aussi, sa soeur Mathilde, épouse Thomas, mère de l'écrivain Henri Thomas.

Adrien Bailly est décédé le 28.02.1955 d'un infarctus du myocarde sur la route de Grandvillers par un temps très froid. Il avait rendez-vous avec un boucher qui voulait lui acheter un petit hagis. Il est inhumé à Gugnécourt.

Libre-penseur, très tolérant, ce fils d'une famille abandonnée par le père est un pur produit de l'école républicaine et laïque de Jules Ferry. Il a formé ses deux soeurs Marie et Mathilde pour les sortir de l'usine textile et en faire des institutrices. Il a aussi obtenu le statut de Pupille de la Nation pour son neveu Henri dont le père était décédé des suites de la guerre de 14-18. Henri pourra ainsi être interne au collège de Saint-Dié jusqu'au baccalauréat.

L'honneur de la famille

Le romancier rend justement hommage à son oncle Adrien qui l'intimidait par sa rigueur morale, mais que finalement il respectait, dans plusieurs de ses livres, dont Les Déserteurs, Un détour par la vie, Sainte Jeunesse, Ai-je une patrie et Le Poison des images. Citons ce passage admiratif de la nouvelle Le Vosgien : L'institutrice était pauvre, elle venait de la montagne, elle avait travaillé à dix-sept ans dans une filature des vallées, aidée par son frère aîné, l'intelligent, le courageux, le très fort Adrien, l'honneur même de la famille.

Et dans Ai-je une patrie, il raconte comment son oncle l'a fait entrer au collège : Adrien, l'homme de Jules Ferry et des Loges, est resté une semaine dans les Vosges pour s'occuper de tout mon avenir, sans rien négliger.

On notera comment Henri Thomas a décrit à sa façon, en écrivain qui brode un peu, la mort de son oncle : A quatre-vingts ans, dans une auberge où il voulait se reposer un instant, mon oncle s'est affalé sur la table, mort, la tête dans ses bras, ses cheveux tout blancs ébouriffés. Ce récit un peu arrangé est ce qu'on appelle une belle transposition romanesque.

Merci à M. Claude Bailly, d'Epinal, qui nous a aidé à retracer la carrière de son père Adrien dont il est très fier, à juste titre.


[François Jodin, in La Liberté de l'Est, 28 février 1995.]