Biographie vosgienne

Gabriel Léopold Charles Amé BEXON
 
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Dictionnaire des Vosgiens célèbres

BEXON (Gabriel Léopold Charles Amé), abbé, historien et naturaliste
(Remiremont, 10 mars 1747 - Paris, 15 février 1784)

Fils de Amé Bexon et de Marthe Pillement. L'abbé Bexon tient une place honorable dans la foule des naturalistes et savants du XVIIIe siècle, écrit Richard Rognet, son meilleur biographe, à propos de celui qui fut, à partir de 1777, un des principaux collaborateurs de Buffon. Homme éclairé, il parvint malgré une jeunesse assez tumultueuse et turbulente, à concilier les principes traditionnels et conservateurs de son éducation religieuse, avec son net penchant pour l'esprit nouveau et la philosophie.

Sa mère, cultivée, avide de lecture, amie future de Madame Roland, suivra jusqu'à Paris la carrière d'un fils auquel elle avait tenu à transmettre sa solide éducation. Commencée dans sa ville natale, celle-ci se poursuit au séminaire de Toul de 1762 à 1765, puis à l'Université de Besançon où il obtient brillamment le doctorat de théologie. De retour à Toul, il reçoit les ordres mineurs et le sous-diaconat, mais sa rencontre avec François de Neufchâteau, poète de 20 ans déjà célèbre dans le monde des lettres, l'oriente vers l'esprit philosophique et les nouvelles sciences à la mode dont l'agronomie qu'ils pratiqueront tous deux leur vie durant.

Le jeune Bexon veut compléter sa formation dans la capitale et surtout se faire un nom. A Paris, en 1770, il rencontre Rousseau et une première fois Buffon qu'il séduit en faisant étalage de ses connaissances scientifiques. Bexon revient à Toul en 1771 où il reçoit le diaconat en dépit des soupçons de déisme que ses relations récentes font peser sur lui. En 1771-1772, il séjourne à Remiremont dans sa famille où il rédige un Catéchisme d'agriculture dont le sous-titre est un véritable résumé du programme des Physiocrates : Bibliothèque des gens de la campagne dans laquelle on enseigne par des procédés très simples l'art de cultiver la terre, de la faire fructifier, et de rendre les hommes qui la cultivent meilleurs et plus heureux. La même année, Bexon termine un traité intitulé : De la fertilisation des terres. Ces deux travaux ne seront publiés qu'en 1773.

Entre-temps, Bexon avait été ordonné prêtre le 18 avril 1772. Peu de temps après son ordination, il est compromis dans un scandale qui éclate dans le jeune clergé toulois : l'abbé Bexon est accusé d'être l'âme d'une société secrète de jeunes philosophes épris de Voltaire et de Rousseau ; il se fait oublier en séjournant à nouveau à Remiremont dans l'hiver 1772-1773. Mais la petite cité vosgienne ne convient guère à l'épanouissement de son talent. Il accomplit alors de fréquents séjours à Nancy, partageant son temps entre sa ville natale et la capitale lorraine où il retrouve son frère, le juriste Scipion Bexon, son ami François de Neufchâteau et le poète Gilbert. Sa plume ne reste pas inactive ; il ébauche un Discours sur les phénomènes de l'Univers qu'il ne terminera pas, compose en 1773 L'Oraison funèbre de la Princesse Anne-Charlotte de Lorraine, abbesse de Remiremont qu'il ne prononcera jamais, mais qui sera néanmoins publiée, et surtout il achève le premier volume, seul paru, d'une Histoire de Lorraine (1777). Avec cette parution s'achève pour l'abbé Bexon une période d'incertitude,de recherches et de tâtonnements au cours de laquelle il s'est essayé à la poésie, à l'agronomie, à l'histoire et à la théologie.

L'année 1777 est décisive pour sa carrière scientifique. Elle marque le début de sa collaboration active avec Buffon. A trente ans, l'abbé Bexon s'installe définitivement à Paris où sa voie, désormais, sera celle du grand naturaliste. Il fréquente les salons, celui de Mme Trude, sa logeuse, où il se lie d'amitié avec Madame Roland encore demoiselle Philipon. Il prend une part très importante à la rédaction des quatre derniers volumes des Oiseaux, de l'Histoire naturelle parus en 1779, 1780, 1781 et 1783. Pour cette oeuvre, il compile un nombre considérable d'ouvrages antérieurs, de notes de voyageurs, d'informations recueillies et d'observations faites par Buffon ou par lui-même. Il rédige à partir de là un texte de base que Buffon corrige. Les parts de l'un et de l'autre sont donc intimement liées. Il s'intéresse aussi à la minéralogie. L'article consacré au granit est entièrement de sa main.

Dans sa préface des Oiseaux en 1790, Buffon reconnaît officiellement la part prise par l'abbé Bexon. Pour le savant vosgien, c'est une sorte de consécration. Le nombre de ses correspondants augmente. On fait appel à lui pour être introduit auprès du maître... ainsi que pour augmenter les collections du Cabinet du Roi. De hautes protections lui valent un canonicat à la Sainte-Chapelle dont il deviendra ensuite grand chantre. Le bénéfice ecclésiastique, lucratif et convoité, n'est pas de tout repos. Bexon prend à coeur ses fonctions et administre la Sainte-Chapelle avec beaucoup de conscience et d'assiduité.

Le cercle de ses relations s'élargit encore : Mme Necker, Mme de Genlis. Il a des appuis à la Cour de Versailles grâce aux Beauvau. Partout il fait preuve de ses qualités si appréciées au XVIIIème siècle : une érudition jamais pesante, une grande facilité de parole, un goût discret pour l'épigramme et l'ironie, une remarquable sociabilité qui font de lui, en dépit d'une certaine disgrâce physique (il était petit et bossu) une des personnes les plus recherchées des milieux intellectuels parisiens.

Le 15 février 1784, en ouvrant une caisse de minéraux dont la vapeur maligne tomba sur sa poitrine, il fut pris d'une toux suffocante qui l'emporta en quelques heures. Il n'avait que 37 ans.


Bibl. : Rognet (Richard).- L'Abbé Bexon (1747-1784), in Le Pays de Remiremont, N° 2/1979, p. 4-15.


[Pierre Heili].