Biographie vosgienne

Maurice BARRÈS
 
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Dictionnaire des Vosgiens célèbres

BARRÈS (Maurice), homme de lettres
(Charmes, 19 août 1862 - Neuilly, 4 décembre 1923)

Barrès à Ménil-sur-Belvitte en 1918 (carte postale ancienne).
 
Maurice Barrès est le fils d'Auguste Barrès, receveur des impôts à Charmes et d'Anne Claire Luxer. Sa famille paternelle est originaire d'Auvergne, mais sa mère appartient à une ancienne lignée lorraine. Il est âgé de huit ans quand les Allemands envahissent les Vosges et il souffre de voir sa patrie déchirée, mutilée et partiellement asservie. Il fait ensuite de bonnes études au collège catholique de La Malgrange, à Nancy.

En 1883 enfin, il se rend à Paris afin de se mêler à la vie mondaine, littéraire et politique. Les articles qu'il publie presque aussitôt dans les revues d'avant-garde sont immédiatement remarqués. En 1884, il lance une revue périodique : Les Taches d'encre. Ses rares numéros sont entièrement écrits de sa main. Il lit de préférence Taine, Renan, Leconte de Lisle, Stendhal et le philosophe Spinoza. Il se qualifie volontiers de gamin trop sensible et trop raisonneur et il nous indique que sa raison condamne ce que son coeur parfois ne peut s'empêcher d'aimer. Son style contraste absolument avec l'écriture artiste que les Goncourt ont mise à la mode.

Sous l'oeil des Barbares (1888), Un homme libre (1889) et Le Jardin de Bérénice (1891) forment une trilogie dont le lien est l'égotisme. Ces romans sont consacrés à la définition du moi, à sa liturgie, à son éducation et à sa mise en défense contre les barbares. Le moi étant la seule réalité sensible, l'égotisme conduit logiquement à l'individualisme anarchique. Il a pour précepte de conduite : Ne faisons de peine à aucun être. Il est inutile de légiférer.

Pendant ce temps, Barrès soutient la politique du général Boulanger. Élu député de Nancy en 1889, il siège à la Chambre jusqu'en 1893. Au cours de cette année, il publie L'Ennemi des lois en même temps que Le Culte du moi, examen de trois idéologies. Il reste fidèle à l'égotisme tout en passant de la méditation à l'action, qui prolonge sa vie intérieure. Il loue l'énergie individuelle et montre des préoccupations de solidarité dans le recueil de récits, de descriptions et de pages de critiques qu'il réunit sous le titre Du sang, de la volupté et de la mort en 1895.

A partir de cette époque, Barrès se donne volontairement une discipline et recherche une règle qu'il trouve dans la fidélité à la Terre et aux Morts. Le sort de l'individu lui apparaît comme lié au sort de la race. Le culte agissant de l'âme ancestrale, de la tradition et de l'énergie nationale succède chez lui au culte subtil et raffiné du moi. Il indiquera plus tard que c'est par la méditation intérieure et par l'analyse que j'ai vu la terre et les morts, c'est à dire la nature faisant le fondement de la personnalité, formant et alimentant notre individu. Ses romans Les Déracinés (1897), L'Appel du soldat (1900) et Leurs figures (1902) constituent un ensemble cohérent dans lequel il nous montre que les individus composant une nation ne doivent pas être des citoyens du monde, mais se considérer comme possédant en commun des souvenirs, des moeurs, un idéal héréditaires ; s'ils savent se pénétrer des habitudes accumulées au cours des siècles, ils seront forts et la nation sera résistante.

Au service de l'Allemagne, qui paraît en 1905, est un épisode de la lutte séculaire qui se poursuit en Alsace, entre le pangermanisme et la culture latine. Ce roman inaugure la série des Bastions de l'Est, qui a pour suite Colette Baudoche, histoire d'une jeune fille de Metz, paru en 1909.

Cette période est faste pour l'auteur qui a été élu député de Paris en 1906 et académicien le 26 janvier de la même année. Sous la coupole, il succède à José Maria de Hérédia dont il fait l'éloge. Aux marais d'Aigues-Mortes, de Ravenne et de Venise, aux paysages de Tolède qu'il décrit en 1912 dans Le Gréco ou le secret de Tolède, il préfère bientôt le modeste cimetière lorrain où devant lui s'étale sa conscience profonde. Il incarne désormais dans le mouvement idéaliste cette forme de tradition qu'il définit ainsi : Notre terre nous donne une discipline et nous sommes le prolongement de nos morts.

La Colline inspirée qui paraît en 1913 est sans doute son chef-d'oeuvre. L'histoire a pour cadre la colline de Sion-Vaudémont, acropole lorraine, pauvre et modeste éminence, mais coteau d'éterniténos sentiments rejoignent ceux de nos prédécesseurs, s'en accroissent et croient y trouver une sorte de perpétuité. Parallèlement, à la suite de la publication de la loi de séparation, il entreprend une campagne très active pour assurer la sauvegarde des églises. Les discours qu'il prononce à la Chambre des députés les 16 janvier 1911, 25 novembre 1912 et 15 mars 1913 ont pour corollaire la publication en 1914 de La Grande pitié des églises de France. Dans cet ouvrage, il demande notamment une alliance du sentiment religieux avec l'esprit de la terre.

Lorsque la guerre éclate, Maurice Barrès se fait journaliste patriote. La grandeur des événements, une immense gloire à chanter lui fournissent une illustre matière. Il publie ensuite Les Diverses familles spirituelles de la France (1917), L'Appel du Rhin (1919), Le Génie du Rhin (1921). La parution d'Un jardin sur l'Oronte en 1922 marque son retour au romanesque le plus ardent. Il meurt dans son hôtel de Neuilly quelques mois plus tard. La publication posthume de ses Cahiers révèle avec quelle finesse il a su analyser ses contradictions et quel regard critique il a porté sur son personnage officiel.

Sur la Colline inspirée, à Sion-Vaudémont, une lanterne des morts est élevée à sa mémoire. Le 2 novembre 1952, une stèle à son effigie est inaugurée sur la place de l'hôtel de ville à Charmes. Chaque année depuis cette époque, le président de Terre lorraine, assisté des membres de cette association et des personnalités de la région, célèbre la grandeur du chantre de la Lorraine au cours d'une cérémonie qui se déroule à la Toussaint. La maison natale de Maurice Barrès a été détruite à la fin de la dernière guerre, lors de l'incendie de Charmes. Son hôtel de Neuilly a été démoli le 10 juin 1968. Il ne reste actuellement dans notre région que la seconde des résidences de l'écrivain. Située à l'entrée de la ville de Charmes, à droite de la route nationale lorsque l'on vient d'Épinal, elle a malheureusement été cédée à un propriétaire particulier en 1980.


Bibl. : Poull (G.).- Les Vosges, Ed. France-Empire, 1985, pages 293 à 296.
Chiron (Yves).- Maurice Barrès, le prince de la jeunesse, Librairie académique Perrin, 1986.
Broche (François).- Maurice Barrès, Ed. Jean-Claude Lattès, 1987.


[Georges Poull].