Abondance des issues




Sept poèmes inédits de Richard Rognet, dédiés à Régine Lehmann.
Avril 2003.

 

 

1

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1

Pareil à jamais

 

Je tremble à la porte de l'arbre,
dans la sève, la parole montante,
je m'adresse à l'invisible,
prenant garde aux fenêtres
que le bruissement des feuilles
concentre au sommet des songes.

L'étranger qui nous aime
ne se voit pas,
on devine ses maladresses
comme on entend geindre les branches.

Et celui-là perd son regard,
qui croit épier la nuit
pour en sortir jour de promesse.

N'attendons rien,
du bois comme de l'étranger,
de la nuit comme du jour,
mieux vaut se trouver là,
proche de ce qu'on ignore,
à la porte, à la porte de l'arbre.

 

 
2

Masque, entrée

 

Si la lumière te visite,
ne pense pas la retenir,
une voie sans retour
la livre aux songes clos.

Qu'un oiseau se divise
dans son ombre, le soir,
ne te rapproche pas
des visages effacés.

Il paraît tant de signes,
dans les feuilles et sous elles,
que tu te multiplies
sans savoir où tu vas.

Mais ce n'est pas l'exil,
mais ce n'est pas l'oubli,
tu te perds pour entrer
dans l'infinie présence.

 

3

 

Témoins de l'étendue, de l'instant,
les arbres qui allègent les collines
arrachent à mon oeil un sens
que jamais je n'approcherai.

Le silence que je nomme,
oubliant qu'il descend de ma main,
se perd en ce qu'il délie,
comme une branche offerte au vent.

L'automne arrive, il pleut,
un lien mal serré m'abandonne
à l'hostilité, à l'histoire,
alors que là-bas, sous mon front,
s'allume une terre amie.

Le silence n'est pas silence,
il triche avec la parole,
comment prévenir ce divorce
qui s'acharne à me disperser ?

 

4

 

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Tu lances dans le jour
une écaille de joie,
c'est une forêt nue
qui saisit ton regard.

Tu déchiffres une écorce
défaite sous la pluie,
le monde ému s'écarte,
l'histoire se retire.

Tu comptes sur tes doigts,
sur l'ombre des vergers,
rien n'apparaît, tout fuit,
tu passes, absent de toi.

Tu retournes ta chair
sur l'arbre dépouillé,
c'est la terre qui saigne
et tu ne sauves rien.

 

5

 

C'est l'empreinte d'un mot qu'on avait refusé,
un appel reconnu au centre d'un mirage
qui serait le regard dont on perdit les yeux,
c'est un passage en altitude
dont nous sommes les bords, parfois le souffle,
c'est une terre qui nous énonce,
comme un flot sur lui-même
chaque fois déplié,
c'est une transparence qui guérira de nous
lorsque s'affirmera notre question commune,
c'est un moment rêvé qu'on arrache aux ténèbres,
un reflet qui atteint le coeur de notre approche.

 

6

Brièveté de l'être

 

Entre les peupliers
où le couchant s'effondre,
ce que je vois m'ignore,
ce qui m'ignore m'aide
à fuir ce que j'efface
avant de disparaître.

 

7

Abondance des issues

 

Secrète immensité en si peu d'espace,
teintes fragiles, preuve de l'altitude
d'un trajet qui fut long,
l'harmonie demeure
fibres, finesse dans les feuilles,
l'arche des feuilles, sommet,
tout nourrir, tout rassembler,
soubassement de la profondeur,
seuil dans le rameau,
marque dans la montagne, vue,
frontière de la vue, humble nuit,
confession devant l'infranchissable.

 

EcriVosges 8
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