Les Faucheurs de temps

 
 
 

Date et lieu

En 1991, en 2046 ? A Padirac.

Sujet

- Ne soyez pas inquiète, Alice, nous avons décidé de vous dire la vérité et de vous dévoiler le secret de la réalité. Nous ne vous laisserons pas le choix, ainsi que nous le faisons quelquefois, pour ceux et celles qui, comme vous, traversent le miroir.

En ce qui vous concerne, voici l'histoire, Alice. La seule et unique vérité sur ce qui s'est passé… (4ème de couverture, 1990).

 

Éditions

Couverture de Vatine.

  • 1ère édition, 1990
  • Paris : Fleuve Noir, avril 1990 [impr. : 03/1990].
  • 18 cm, 184 p.
  • Illustration : Vatine (couverture).
  • (Anticipation ; 1750).
  • ISBN : 2-265-04288-9.
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    Première page

    Les premières neiges étaient tombées sur le causse au début de décembre, sans abondance, mais avec une opiniâtre constance, jour après jour ; juste ce qu'il fallait pour que le paysage pâlit, barbouillé de grisailles et de lividités malades, toutes véritables couleurs disparues. Parfois, le vent tombait, laissant en paix les nuages qui s'écartaient alors comme sous la poussée du bleu. Le soleil était encore suffisamment chaud pour attaquer la couche blanche, ne fût-ce que pendant deux ou trois heures, dans la journée. L'eau de la fonte qui brillait sur les pierres, affleurant les prés galeux du causse gelait la nuit suivante ; c'est ainsi que le jour nouveau se levait sur de vaste bavures brillantes parmi les herbes cassées et brunies, comme des traces laissées par de gigantesques bêtes au cours de la nuit, de monstrueuses limaces évaporées dans la lumière grise ; ne restaient que ces traces, un moment, puis elles disparaissaient à leur tour, sous la nouvelle et légère couche de neige ou les premiers rayons de soleil tombés d'une trouée nuageuse, jusqu'à ce que neige et soleil, finalement, retournent une fois de plus en eau prête à durcir sur les herbes et les pierres.

    A la suite de quoi, les nuages avaient pris position, d'un horizon à l'autre. Ils s'étaient installés. Peu de temps après, on aurait pu croire qu'ils montaient de la terre en cohortes serrées, épaisses, semblables à celles qui obscurcissaient le ciel : cela s'était fait en l'espace d'un heure, à peine, un matin.

    Le brouillard descendit.

    Dense, gris, lumineux, pesant.

    Troussé par quelques sursauts de vent, de loin en loin, le brouillard se déchirait parfois en lambeaux, mais jamais jusqu'à dépouiller tout à fait le cadavre exsangue des terres givrées. Le souffle soulevait et emberlificotait des guenilles, puis les laissait retomber.

    Parfois, l'épaisseur cotonneuse et fraîche était telle qu'on distinguait à peine, depuis le "bolet" de la maison, les ruines des habitations voisines, à quelques dizaines de mètres, de l'autre côté de la route. On n'en voyait que des silhouettes étrangement enchevêtrées, carcasses de gros gibiers tombés là de toute éternité et retournés au roc sur lequel ils s'étaient effondrés, les chasseurs disparus.

    Quand les pans du brouillard s'écartaient pour un instant, ou parfois presque un demi-jour, les silhouettes trapues et hérissées se clarifiaient : les animaux antédiluviens redevenaient les ruines de maisons qu'ils étaient réellement, vieilles d'un ou deux siècles à peine - leur état de ruine ne remontant qu'à une, deux dizaines d'années, au plus.

    La dernière ferme avait toujours été à l'écart du hameau, du temps que celui-ci était encore en vie, comme maintenant. Et maintenant, cette maison-là était toujours vivante. Habitée. Bien qu'on n'y entendît pas grand bruit, de jour comme de nuit, ces derniers temps - précisément depuis les premières coulées du brouillard.

     

    Revue de presse

    L'Année de la fiction 1990

    Polar, S.-F., fantastique, espionnage, Encrage, Amiens, (1991 ?). Jean-Claude ALIZET, pages 261-262

    Alice se réveille dans un hôpital - celui de Cahors, lui a-t-on dit - avec des souvenirs épars concernant un dénommé Éthan qui lui aurait fait des révélations sur une manipulation du temps à l'échelle planétaire (voir tome 1).

    Pour le Dr Nobat qui la soigne, les faits sont différents : Éthan n'est qu'un vagabond qui a poignardé une jeune fille ; il est mort dans l'assaut de la ferme par les amis de la victime. Lou-Gaël, le fils d'Alice, a reçu une balle perdue dans la tête et il lutte contre la mort. Quant à Alice, elle reçoit un traitement intensif car cette histoire a gravement perturbé son psychisme.

    Mais Alice a du mal à croire à cette version des faits, malgré la visite de quelques amis et celle de Claude, son compagnon qui avait disparu depuis quatre ans. L'autre face de l'histoire, celle qui l'a conduite dans cette chambre d'un hôpital bizarre, se dévoile à sa mémoire par bribes, puis par pans entiers.

    Alice s'échappe donc de sa chambre, traverse un dortoir où se trouve Jiggs, quasiment amnésique, puis s'évade en franchissant une projection holographique. Elle a alors la certitude qu'elle se trouve dans la ville souterraine du gouffre de Padirac et, face à une telle détermination, les responsables de cette mise en scène destinée à piéger sa mémoire vont enfin lui révéler sous hypnose la vérité.

    Il y a bien eu falsification du temps car, à partir de l'année 1992 de la véritable datation, le Chaos - comprendre : une coalition planétaire de partis héritiers du néo-nazisme - s'est propagé à la surface de la Terre. Par la suite, on a voulu effacer de la mémoire collective cet épisode horrible de l'Histoire, mais la programmation de cette amnésie n'alla pas sans difficultés et certains "malades", soignés dans des points de contrôle cachés, s'échappèrent pour retrouver la surface et répandre la vérité.

    * Ces explications finales sont indéniablement superficielles ; l'arrière-plan politico-social reste vague et sa cohérence n'est pas parfaite. Pelot renoue avec ses thèmes de jeunesse (la manipulation des masses, la révolte individuelle) sans leur donner une résonance nouvelle ou fouillée, préférant suivre le destin difficile et tourmenté d'un personnage central par tome (Éthan, Troper, Jiggs et Alice). La thématique temporelle ne s'engage pas sur la voie des paradoxes ; la manipulation de la mémoire reste un moyen romanesque destiné à plonger les personnages dans la confusion mentale et dans l'inquiétude.

    Les amateurs de SF resteront sur leur faim : c'est justifié si l'on se reporte à l'inventif créateur de La Septième saison (FN-A n° 505, 1972) ou de Vendredi, par exemple (FN-A n° 695, 1975). Pelot nouvelle manière n'en mérite pas moins que l'on prête une oreille à sa voix de raconteur jamais rassasié.

     

    Page créée le jeudi 6 novembre 2003.