Les Souvenirs effacés

 
  • Alain Bernier - Roger Maridat
  • 2008| 37ème roman publié
  • Suspense |
 

Date et lieu

De nos jours.

Sujet

 

Éditions

  • Publication en feuilleton dans les quotidiens Le Courrier de l'Ouest, Le Maine Libre, Vendée Matin – 2008.
  •  

    Première page

    J'ouvre la porte et demande machinalement en entrant dans l'appartement :

    - Il y a quelqu'un ?

    Pourtant je sais que mon mari ne rentre jamais pour déjeuner et que la femme de ménage est partie depuis une heure. Evidemment il n'y a personne et je pousse un soupir de soulagement ; cela m'aurait ennuyé d'entendre une réponse car j'ai tant besoin d'être seule, de réfléchir... et surtout de trouver une explication à ce qui m'arrive.

    Je traverse le living et soulève lentement le voilage d'une fenêtre.

    La rue de la Faisanderie est calme, mais je ne vois que le trottoir d'en face. J'hésite un instant, tourne la poignée, et ouvre un battant. Avec précaution je me penche. Cinq étages plus bas la chaussée est luisante avec la pluie fine qui tombe depuis quelques instants. Une femme marche rapidement en tirant deux enfants, un ado monte sur sa mob et s'éloigne. Tout à coup un taxi s'arrête devant la maison; ma première réaction est de me reculer, mais il faut que je sache si c'est lui. J'attends quelques secondes qui me paraissent interminables, enfin la portière s'ouvre et un homme d'allure jeune sort de la voiture, je ne vois que des cheveux bruns et un imperméable clair.

    Alors mon cœur se met à battre un peu plus vite car il se pourrait que ce soit lui. Il se tourne vers l'autre côté de la rue, prend son temps pour examiner l'immeuble, met la main dans la poche intérieure de son vêtement et en tire un papier qu'il regarde. Lentement il se retourne ; j'hésite à me cacher, mais la curiosité est plus forte et je demeure immobile, penchée au dessus du vide. Il relève la tête et, soulagée, je constate qu'il ne ressemble pas à celui qui m'inquiète tant.

    Je referme la fenêtre et me dirige vers la cuisine pour me préparer un café. Je le fais fort et le bois bouillant. Sur la table, bien en évidence, un mot de la femme de ménage : <em>La petite a de la fièvre, je ne viendrai pas cet après-midi. Si elle va mieux demain je serai là comme d'habitude, autrement je ne pourrai vous donner qu'une heure, de toute manière je me débrouillerai pour faire vos lits.</em>

    Je froisse le papier et le jette dans la poubelle. Cette absence tombe bien et pour la première fois depuis le départ de la précédente employée je me réjouis d'avoir une personne aussi peu assidue. Je dois avoir l'air préoccupée et je ne pourrais pas supporter que l'on me pose des questions.

    Je retourne dans le living et, en passant devant le miroir, je constate que je n'ai pas encore retiré mon imper. Faut-il que je sois tracassée pour ne pas m'en être rendu compte plus tôt. Il est sec car il ne pleuvait pas quand je suis rentrée. Je le range dans la penderie, me recoiffe et vais m'asseoir dans un fauteuil. Je tourne le bouton du tuner. Malgré moi je retarde le moment où il me faudra trouver une explication aux évènements de la matinée. Je sursaute en entendant <em>Fidelio</em> de Beethoven. Je m'entends crier :

    - Non !

    Et d'un geste brusque je coupe le son. Je suis incapable d'écouter un air de cet opéra après ce que cet homme m'a dit.

    Et quelle coïncidence d'être tombée sur cette œuvre !

    Ce matin – oui, il y a quelques heures à peine – j'étais heureuse, détendue, insouciante.

     

    Revue de presse

     

    Page créée le dimanche 13 septembre 2009.