Pelot en pente douce et rondes bosses

ou les Hautes-Vosges
au cœur d'une quarantaine de romans

par Raymond PERRIN

 

Un cadre qui garde un intérêt romanesque aujourd'hui
Un auteur peu soucieux de régionalisme
Un village qui se conjugue à toutes les époques
Du futur au passé
Une constante : rondeurs, bosses et pentes douces
Un Ballon, du pied à la tête
Saint-Maurice-sur-Moselle, nommé, caché, rebaptisé...
La décrépitude symbolique d'une petite gare
Plus de secret pour Luc Mordacci dans Natural Killer
L'écriture vouée à la peinture du microcosme
Déguisements légitimes et brouillards de la fiction
Atmosphère ! Atmosphère !
Des romans des quatre saisons
Un seul vrai pays : le quart-monde
Les Vosges "adaptées" à l'écran

 

I

 

Regardez un instant le contour du département des Vosges. N'évoque-t-il pas irrésistiblement une poule en train de couver ? Cette brave poule, elle patientait depuis deux siècles, le bec tourné vers l'Ouest, croquant, en attendant, les ruines romaines du sanctuaire de Grand, couchée mollement sur les collines de la Haute-Marne et de la Haute-Saône, l'arrière-train confortablement installé sur les bourrelets-limites de la Lorraine, de l'Alsace et de la Franche-Comté.
Bien calée contre les montagnes "en rondes bosses" du contrefort vosgien, où peut-elle laisser tomber ses oeufs sinon juste entre les deux Ballons qui dominent Saint-Maurice-sur-Moselle... ? C'est là que Pierre Pelot les recueille, au fond de son village du "bord", du "Cratère"... Après les avoir lavés, rincés, cajolés, dans les eaux de la jeune Moselle, il en fait la substance de ses histoires. Voilà pourquoi il ne quitte jamais son terrier, en renard expérimenté, peu pressé de tuer la poule aux oeufs d'or.

Le volatile change de couleur au rythme des saisons. Quand la poule est bien noire et qu'elle fournit les meilleurs oeufs - c'est bien connu ! -, alors Pelot, par gratitude construit son histoire, comme cela se produit une fois sur quatre, dans le cadre des Hautes Vosges mosellanes avec leurs marges saônoises ou alsaciennes.

Pour abuser quelque temps le lecteur, il l'a promené en Amérique : or les montagnes de l'Ozark en Arkansas n'étaient que les sœurs jumelles de celles qu'il ne quittait pas des yeux, le Ballon d'Alsace et celui de Servance (dont les sommets sont un jour cachés pour Bibi Fuillard dans Si loin de Caïn). Les évocations de rivières en furie du Canada s'inspiraient parfois des visions de jeune Moselle impétueuse, rugissant dans son mini-canyon, lors de la fonte des neiges.

"Faulkner, Caldwell, m'ont appris à regarder autour de moi, à me débarrasser de l'exotisme du western qui me servait de masque au début, parce que j'avais peur de parler directement de ce qui m'entourait. " (A Bernard Epin, Télérama Hors série, Salon du livre Jeunesse, décembre 1991).

Lorsque le massif vosgien et ses alentours ont servi de cadre aux récits de Pierre Pelot, il les a cachés (bien involontairement, en vérité ! ) dans trois ghettos délaissés par la pseudo culture officielle - celle qui est prémâchée par les médias -, à savoir la littérature dite pour la jeunesse, le récit fantastique, le roman noir ou le polar.


Un cadre qui garde un intérêt romanesque aujourd'hui

"Quand je dis ma vallée, si je dis ma montagne, j'aimerais qu'on entende d'abord et avant tout, à travers la rudesse téméraire du possessif, l'accent du respect qui doit être porté à un hôte, rien de moins, rien d'autre. Le respect de ce qui vit et m'a accepté en son sein." (Colère de renard, dans Les Vosges : pays, paysages. Éd. Gérard Louis, 1992).

Mais aujourd'hui et même déjà depuis une quinzaine d'années, nul n'est censé ignorer la vérité puisque le cadre vosgien s'étend à la littérature générale.

Avec Elle qui ne sait pas dire je, traversée des Vosges du Sud au Nord, de "La Montagne", petit bourg de la Haute-Saône, aux petits hameaux du nord de Baccarat ; avec Si loin de Caïn qui emmène le lecteur de la vallée de la Haute-Moselle jusqu'à un chantier de bûcheronnage près de Servance, dans le département voisin de la Haute-Saône : "Servance, ce village à qui on avait volé le nom pour en coiffer le Ballon dont l'autre flanc tombait abrupt sur la vallée de Presle et le village de Zuco". Est-ce un hasard si Zuco et son créateur habitent le même village ?

Depuis, nous avons assisté au 16e round d'un boxeur septuagénaire prêt à affronter l'échéance finale dans une maison du bout du monde, non loin du village de Fresse-sur-Moselle. C'est aussi un destin tragique qui attend Catherine Tolviac, Une jeune fille au sourire fragile qui débarque un jour de novembre sur le quai de la "minuscule gare" de "Ramont", entre Remiremont et Bussang.

Et Jacques Chambon et les éditions Denoël ont eu assez d' humour et de flair pour apprécier et publier, début 1994, "une histoire d'autochtones et de touristes" survenue dans un village familier à l'auteur, intitulée : Ce soir, les souris sont bleues et écrite depuis 1988. Cet immense récit de 600 pages a subi, au fil de ses passages chez plus d'une dizaine d'éditeurs, une cure d'amaigrissement d'un tiers avant sa publication sans que cette amputation n'altère pour autant la saveur d'un récit au charme envoûtant.

Il arrive que la lucidité du personnage principal, celle de François Dorelli dans Une autre saison comme le printemps, jette une lumière crue sur le village tant évoqué : "Il regardait le village gauchi par les bancs de brume et les nouvelles constructions hideuses. Des voitures et les premiers camions de la circulation routière quotidienne roulaient sur la route nationale. Il n'y avait personne devant les maisons, fort peu de piétons dans les rues visibles du village depuis cet endroit sur le bord de la départementale escaladant le col. " (Et l'on sait que la situation décrite en 1995 n'a fait qu'empirer depuis !).
Parfois le cadre vosgien, en l'occurrence nocturne, dans Cimetière aux étoiles, est seulement suggéré par "la ronde masse des montagnes, comme de bonnes grosses bêtes couchées et endormies sous les étoiles", au-delà du village. Une même image s'impose encore dans Les Caïmans sont des gens comme les autres, quand "la montagne, de l'autre côté, faisait penser à une grosse bête endormie, le dos rond, couverte d'une paisse toison laineuse (…)".
Inutile d'ailleurs de plaquer sur Pelot le cliché de l'écrivain régionaliste. Il suffit de mentionner la soixantaine de romans de S-F. ou fantastiques ou ses 34 romans-westerns pour montrer qu'il ne choisit les Vosges que lorsque ce cadre lui paraît approprié au problème de l'individu dans la société. S'il décrit son environnement immédiat, c'est simplement parce qu'il y est né, qu'il y vit et qu'il peut ainsi donner une assise crédible à une histoire, un ancrage solide à des personnages dont le comportement le passionne.

Un auteur peu soucieux de régionalisme

Le personnage central de Natural Killer parle : "J'ai pas voulu, pas osé, jamais, pas voulu quitter Utah-sur-Vosges ou Montana made in french. Ailleurs, c'est pas le monde (...). Ils sont venus ensuite me parler de "mes racines vosgiennes", de mon "attachement au pays", diguedondaine et dondon, grattant l'eczéma folkloreux."

Non, le romancier n'est pas un auteur "vosgien". S'il se reconnaît des racines, - mais nous sommes aux antipodes du nationalisme barrésien -, il admettra tout au plus son identité de "terrien" et de "montagnard", mais à la manière d'un Cherokee qui s'avoue Indien plutôt que citoyen des États-Unis.

Jean-Paul Germonville, un ami de Pelot, le rappelait dans un article de L'Est Républicain volontairement publié le 8-8-88, (en honneur au "88", le numéro minéralogique des Vosges) : "Pelot est tout, sauf un écrivain régionaliste. Son goût de la liberté, son horreur viscérale de la simple notion de frontières l'ont toujours éloigné de ce type de préoccupation."

"Il m'était complètement impossible de décrire un paysage d'ici mais j'étais dans les Montagnes Rocheuses avec une facilité incroyable. Et puis, ( ...) il y a eu des circonstances extérieures qui ont fait qu'un jour, les éditions pour lesquelles je travaillais ont cessé d'exister (...). Ca a peut-être été un déclic. J'ai écrit un premier bouquin qui se passait ici et puis je me suis trouvé bien dans ce bouquin-là." (Flash sur Pierre Pelot : Interview de M. Bermond et R. Boquié, 1976).

Le premier roman vosgien, Les Étoiles ensevelies, n'apparaît qu'en 1972, après un peu moins d'une trentaine de westerns ou de romans américains. Ce récit, transposition réussie d'un synopsis pour un western de la série Dylan Stark, permet au paysage du Nouveau Mexique de faire place aux crêtes semées d'étangs de la Haute-Saône enneigée, Dylan Stark étant remplacé par un émigré espagnol qui rencontre un enfant comtois à la place d'un petit Indien.

Un village qui se conjugue à toutes les époques

"Je me souviens d'un temps, qui n'est pas si lointain, où mon village avait encore visage regardable (...). Je me souviens d'un temps pas si lointain où cette vallée, protégée par les montagnes assises comme de grands chiens tranquilles, était belle. Où mon village était tout simplement beau. (...) " (Colère de renard, 1992).

Si, dans la plupart des récits "vosgiens", l'époque décrite est le plus souvent contemporaine, il y a pourtant des incursions dans le passé géologique le plus lointain, voire dans le futur de la région.

Suicide, récit fantastique rendu envoûtant par un huis-clos infernal dans une ferme vosgienne, évoque avec le lyrisme des meilleurs géographes la naissance des montagnes: "Il y avait quelques millions d'années de cela, la Terre avait fait le gros dos. Elle avait frissonné, gémi, hurlé dans les douleurs d'un fantastique enfantement. Pour la grande métamorphose, le titanesque combat contre elle-même, la Terre s'était secouée toute entière. Sa peau avait craqué, sa peau s'était fissurée, avait explosé, libérant par des millions de plaies des torrents de sang fumant. Des océans étaient nés, d'autres avaient disparu ; des montagnes avaient grandi tout comme d'autres s'étaient transformées en vastes plaines. Ainsi s'étaient dressées les Vosges, comme d'autres plissements tout aussi vieux, tout aussi vénérables (...)".

Et Pelot d'évoquer alors les hommes qui vivent dans les vallées, "cicatrices du grand chambardement". A l'inverse, La Nuit du Sagittaire, récit de science-fiction, évoque un avenir médiatique peu réjouissant. On vient traquer, dès lors que l'on a "décrypté l' info" "Chaume sur les Ballons" !, même ceux qui se réfugient dans un secteur mort où "la forêt regagne du terrain sur les pentes bossues, enneigées".

La situation géographique s'est aggravée dans Les Pieds dans la tête puisque les montagnes ont disparu, dans le secteur rebaptisé: "Est-Vosges-Jura". "On les appelait des ballons. Ils grimpaient à 1200 mètres, par là. Des montagnes rondes, pas méchantes, couvertes de forêts."

Natural Killer, récit qui devrait rester une pure fiction, décrit avec précision la destruction de la Haute-Moselle par un tremblement de terre dont l'épicentre est à Remiremont. "Des pans entiers de montagne s'écroulaient", et le narrateur s'attarde sur celle qui fait face à sa fenêtre : "Sous le bord rabattu du chapeau des sapins, la barre sourcilière des feuillus déplumés s'ouvrit. Elle creva de l'intérieur, par en-dessous. La terre se souleva, d'un mètre peut-être, ou plus, pour se débarrasser de sa torsion hérissée de gel ; les arbres déracinés, arrachés, s'abattirent en désordre (...) ."

Vendredi, par exemple, jour où les militaires décident d'expérimenter leur luddisme ludique, on assiste à l'explosion de la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace. "Et maintenant, la bête était morte, tuée. On n'avait rien retrouvé de ses os, rien de son cadavre : à cet endroit où elle était assise, il y avait la terre ouverte, il y avait le cratère et les bouillonnements de la lave. (...) A un moment, il y avait la ville, et la bête, et le brouillard, la nuit ; l'instant d'après, c'était le feu, le ciel rouge, la mort."

Du futur au passé

Les récits du passé n'étendent pas la tragédie à une si grande échelle. La Peau de l'orage, roman fantastique qui mêle le passé et le présent, fait revivre la naissance du village montagnard sur les Braqueux, au XVIII ème siècle. "En pleine forêt, ceux qui dressèrent les maisons, dans le début, étaient des équipes de bûcherons suédois. La forêt était grande et épaisse, et elle descendait bien bas jusqu'au lit de la Moselle. Les bûcherons ont trouvé femmes dans les villages des alentours, ils ont fait souche et se sont fixés. Ensuite sont venus les charbonniers, souvent avec femmes et enfants. Puis, plus tard, des vanniers de n'importe où qui se fixèrent là."

Ce village, déguisé en Vizentine-sur-Agne, dans Je suis la mauvaise herbe, revit les années 1920 à travers le destin d'un colporteur hors du commun, inspiré d'ailleurs par un personnage bien réel. C'est l'occasion pour Pierre Pelot de décrire le hameau qu'a pu connaître son père dans son enfance : celui des routes de pierres concassées qui mènent aux jeux de quilles, aux pentes douces couvertes de brimbelliers, aux pistes de débardage en forêt et aux rudes tracés de schlittage.

Grâce à Bastien, l'ouvrier retraité qui, Le Cœur sous la cendre, se souvient, on plonge aussi dans un temps un peu plus reculé, celui "d'avant 1914, alors que la frontière passait à quelques kilomètres du col de Bussang, et que les vieux, aux veillées, racontaient des histoires de contrebandiers."

On fait un bond en avant de vingt ans avec Paulin, lorsque s'apprêtent à tomber Les Neiges du coucou. Bastien "croyait que l'arbre de la liberté planté par les vainqueurs de 1789 dominerait la place du village jusqu'à la fin des temps." Tandis que Paulin se souvient de 1936, "quand l'usine a fermé ses portes, quand les patrons renvoyèrent les syndicalistes, (...) quand [lui] chantait, l'Internationale, gamin."

Il se souvient aussi de ce temps où "on coupait les arbres à la hache et au passe-partout. On débardait avec les bœufs. Les scieries (...) chantaient la chanson du haut-fer."

Nostalgique Paulin ? Sans doute. Mais pas passéiste. "On débarde aujourd'hui avec des tracteurs, on taille et on abat avec des tronçonneuses ronflantes. Que ce soit mieux, moins bien, triste ou non, c'est comme ça. Il reste la forêt."

Au passé ou au présent, Pelot n'en finit pas de peindre ce village-palimpseste. Cent fois sur le métier, il pétrit et décrit les ballons, les remodèle avec la même passion opiniâtre (lui qui voulait être Van Gogh dans son adolescence !) que Cézanne peignant sans cesse sa Montagne Sainte-Victoire.

Une constante : rondeurs, bosses et pentes douces

D'ailleurs ce qui fascine le regard du narrateur, c'est la montagne qui lui fait face chaque matin de chaque saison. Celle que guette Lou Carmaux de retour au pays, dans Le Pain perdu : "Il attendait l'instant où, derrière un virage, le Ballon d'Alsace apparaîtrait, avec encore peut-être sur la tête une calotte de neige. De la neige en juillet, là-haut, cela s'était déjà vu (...)... Au Ballon de Servance également..." . Ce sont les montagnes des Feignes qu'observe Bastien dans sa "réserve" : "Des montagnes rondes, bossues, des montagnes à sapins, pareilles à toutes les autres qui cernent la vallée. Mais (...) tellement proches (...) comme si, brutalement, il leur venait des ambitions de Mont Blanc". Depuis le wagon qui le ramène chez lui, Lorrain, Le Pantin immobile, ne manque pas de remarquer "la succession en rondes bosses des montagnes". Même si le regard s'attarde, en bas, sur les couleurs d'une fin d'été, il finit par se relever.

Dans Blues pour Julie, c'est le regard de Jo Dague. "En regardant par la fenêtre, on voyait les arbres roux et brûlés qui accompagnaient le cours de la rivière proche. Et puis, plus loin, en arrière, les bosses rondes, brumeuses, de la montagne pelotonnée sur elle-même dans l'attente des cris froids de l'hiver en marche" . Même si la montagne est modeste et n'appartient qu'à un écart de la vallée "en étoile" , "éclaté et dispersé" de Saint-Maurice, ce qui est constant, c'est la notion (toute féminine) de rotondité. La colline maudite du Braqueux, sous La Peau de l'orage, n'y échappe pas : "cette ronde colline couverte de sapins drus, galeuse sous la ronce et les flaques de fougères géantes" , pas plus que "le sommet pelé de la montagne ronde", dans Je suis la mauvaise herbe, astuce périphrastique pour éviter de nommer la partie culminante du Ballon d'Alsace.

Ron Dublin, troublé par Le Sommeil du chien, observe bien "le paysage attendu. Les bosses des collines avec leurs guenilles de bouleaux dépenaillés, le vent..." tandis que dans Pauvres zhéros : "Les montagnes bossues et les collines rondes encadrant le village prenaient depuis quelques jours leurs couleurs d'automne". Lorsqu'il fait nuit, dans (Le Méchant qui danse), on voit encore "les crêtes rondes découpées rudement sur le fond rosâtre du ciel anodisé, au couchant".

Quand le monde n'est plus qu'un gigantesque cirque médiatique, dans La Nuit du Sagittaire, le paysage-fétiche subsiste cependant : "La vallée formait un arc de cercle. (...) Les montagnes qui l'enserraient n'étaient pas bien hautes : des massifs alignés, le dos rond, la tête plate sous les étoiles. "

Ces formes attendrissantes ne pouvaient qu'inspirer l'image des "mêmes montagnes aux pentes douces qui enfermaient les vallées" ainsi que les observe, en automne, Catherine Tolviac : Une jeune fille au sourire fragile.

Dans Fou comme l'oiseau, "le chemin sciait en pente douce tout le coteau du Bas-Haut" et la même image s'impose plusieurs fois, évidemment dans L'Été en pente douce, titre d'autant plus astucieux qu'il naît autant du sens poétique que de l'observation des paysages vosgiens. Ce qui peut rompre cette harmonie des courbes et des lignes douces, ce ne sont ni "les murets, les barrières de pierres sèches", qui délimitent les "essarts" et les champs de pâture, ni les "quelques grappes de maisons-jouets semées dans les creux des moutonnements", remarquées par Lilas. Ce sont plutôt "les usines (...) avec leurs toits en dents de scie qui grinçaient dans le paysage, avec leurs hautes cheminées de briques, comme des pieux dans le cœur de la bête". C'est du moins l'opinion de Paulin dans Les Neiges du coucou.

Un Ballon, du pied à la tête

Un montagnard ne peut envisager la description d'un massif sans imaginer son ascension. Il suffit de prendre l'exemple du fameux Ballon d'Alsace gravi, par l'écriture, à toutes les saisons. Au printemps, c'est Chip qui escalade la longue route grâce à la voiture des frères Gomez. La neige est encore présente ; "elle bordait chaque côté de la route en lacets de hauts bourrelets durs, gelés...". La récompense, c'est la vision du sommet : "La crête, tranchée net comme par un coup de sabre gigantesque, était vierge de toute espèce de végétation dépassant en hauteur une taille d'homme".

En été 1920, l'acteur, c'est "la route de pierres concassées (...) qui continuait lacet après lacet, dépassait les essarts et les champs de pâture, et puis plongeait sous le bonnet de sapins pour refaire surface sur le sommet pelé de la montagne ronde".

L'hiver, le gangster Go se retrouve "dans cette camionnette immobilisée en pleine ascension du col", "à trois ou quatre kilomètres du sommet" . Malgré ses jambes glacées et la neige qui détrempait ses cheveux, il grimpe et aperçoit enfin "les pâles et clignotantes lumières des hôtels du sommet"...

C'est naturellement un déluge d'hiver finissant qui accompagne la grimpée de l'odieux couple capable de livrer ses victimes Aux chiens écrasés. "Tout au long de la route en lacets et pendant les douze kilomètres d'ascension, la pluie ne cessa de fouetter et de battre, les rouleaux d'averse se succédaient sans discontinuer, transformées bien vite en une seule colère : la tempête". Au sommet, la vision grandiose est bien évidemment refusée aux voyageurs: "le vent redoubla de violence et la pluie frappait à l'horizontale".


Suite.

 

 

Page créée le mardi 8 janvier 2002.