Les Caïmans sont des gens comme les autres

 
 
 

Date et lieu

De nos jours, dans les Vosges..

Sujet

Il était coiffé d'une casquette de toile verte, vêtu d'une salopette entre le noir et le bleuâtre, à la bavette retenue par une seule bretelle et aux côtés déboutonnés, qu'il portait sur une sorte de maillot lie-de-vin, à longues manches retroussées au-dessus des coudes. Ses pieds, larges et noueux, étaient nus, marbrés de vieille sueur et de poussière, avec des ongles bombés, de l'exacte couleur des sabots des vaches. Il ne correspondait guère à l'image habituelle d'un propriétaire d'hôtel.

Hôtel lui aussi inattendu, de style New Orleans, déglingué avant que d'avoir été achevé, et qui se dresse au fin rond d'une vallée vosgienne tapie sous la canicule. Rêve avorté d'un vieil homme, Caron, parti au temps de sa jeunesse à la conquête de la Louisiane, dont il ne reste que cette bâtisse sans clients et une immense serre tropicale où Caron élève des caïmans. Il vit là avec sa fille, Joani, une jeune femme superbe à l'esprit un peu dérangé qui attend son mari disparu depuis quinze ans, et son petit-fils, Martin, obsédé des femmes. C'est dans cette ambiance délétère que fait irruption Maxime Tarot-Fortin, membre du conseil régional, qui, sous les lances à purin, vient de forcer un barrage de paysans sur l'autoroute. (4ème de couverture, 1996).

 

La petite histoire...  Pierre Pelot écrit dans la postface que ce roman n'est pas une adaptation de la pièce de théâtre éponyme, écrite avec Christian Rauth, jouée en 1991 au Théâtre de la Main-d'Or à Paris, avec Claude Piéplu dans le rôle de Caron.. "Il est une autre manière de raconter l'histoire coulant d'une même source".

 

Éditions

Couverture anonyme.

  • 1ère édition, 1996
  • Paris : Denoël, mars 1996 [impr. : 03/1996].
  • 21 cm, 218 p.
  • Illustration : photo de jaquette anonyme (Archive Photos France).
  • ([hors coll.]).
  • ISBN : 2-207-24377-X.
  • Prix : 95,00 F.
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  • 2ème édition, 2013
  • Paris : éditions Bragelonne, 9 décembre 2013.
  • (Bragelonne Classic).
  • Livre numérique.
  • 164 p.
  • ISBN : 978-2-8205-1330-4.
  • Prix : 2,99 €.
  • Lorsqu’il était jeune, Caron est parti à l’aventure, à la Nouvelle-Orléans, dans l’idée d’y bâtir un splendide hôtel... qui reste depuis finalement inachevé. La baraque tombe en ruines, mais Caron élève des caïmans dans une grande serre tropicale. Il vit aussi avec sa fille, un peu folle, et son petit-fils, qui porte une certaine obsession aux femmes. Une atmosphère bien particulière dans laquelle va faire irruption un intrus, venant bousculer le fragile équilibre qui y régnait encore.
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    Première page

    On entendit d'abord la voiture arriver - forcément. Ensuite, on l'entendit ralentir et freiner. Et puis ses pneus sur le gravier, le moteur coupé. Un court instant plus tard, la portière qui claquait.

    Au moment même où l'homme franchissait le seuil, une mouche tomba dans le verre de bière du gamin, bien que cela n'eût probablement aucun rapport avec l'entrée de l'étranger, en dépit de la sévère odeur de merde qui flotta aussitôt dans la salle du café. C'était juste une coïncidence. En réalité, le gamin ne prêta aucune attention à la mouche dans son verre. Il y avait une bonne douzaine d'autres cadavres d'insectes sur le bar de formica, certains pas encore tout à fait cadavres et zizillant leur agonie en tournoyant sur le dos. La senteur de merde filtrait insidieusement à travers cette autre odeur pas vraiment flatteuse du produit tue-mouches vaporisé dans l'atmosphère pesante et chaude de la fin de la journée. Ce que regardait le gamin, c'était le type qui venait d'entrer.

    "Bonsoir !" clama le type à la cantonade et sur un ton à ce point soulagé d'être là qu'on aurait pu le croire chez lui.

    La cantonade, c'était le gamin et Janisette, derrière le bar, sa bombe aérosol à la main, le geste suspendu dans le brouillard du produit pulvérisé qui rendait l'air brillant. Des clients comme celui qui venait d'entrer, Janisette n'en voyait plus tous les jours depuis un fameux moment. Ça lui faisait un air tout drôle de constater qu'il en existait encore, cet exemplaire-là sous les yeux, apparu dans le soir aussi magiquement que les mouches ou les puces au centre de l'été. Après quoi elle fronça les narines.

    Martin répondit au salut jovial de l'étranger par un hochement de tête, un pur réflexe, quand le regard du nouveau croisa le sien. Il essaya de porter son attention ailleurs, mais c'était impossible.

    Janisette avait la bouche ouverte ; cela faisait un petit trou rond dans cette éclaboussure de rouge à lèvres qu'elle entretenait et ravivait régulièrement selon sa conception d'une bouche gourmande. De la sueur brillait dans les boucles de ses cheveux blond-roux, à moins qu'il ne s'agît de gouttelettes du produit tue-mouches. Elle posa l'aérosol sur le bar, devant elle. Des mouches continuaient de voleter en vrombissant, ou de mourir avec ce bruit de petit moteur énervant.

    "Eh bien", dit l'homme sur ce ton enjoué qui semblait être son ordinaire. "Eh bien, eh bien, pas beaucoup de monde, on dirait."

    Il semblait s'adresser plus particulièrement à Martin. Il posa ses mains à plat sur le bar, balaya une mouche morte.

    "Eh bien, fit-il.

    - J'en ai jamais vu autant, que vous voulez dire, articula Martin.

    - C'est la chaleur, je pense.

    - J'parle pas des mouches, dit le gamin. J'parle du monde. Ça fait un moment que j'en ai jamais vu autant ici. Janisette me contredira pas."

    Janisette ne le contredit pas. Elle fronçait les narines et les sourcils, ostensiblement. La chair moite et rougie par un coup de soleil récent tremblait dans le décolleté de sa robe verte fripée qu'elle portait comme une peau en mue, collante et glissante.

    "Ha", dit le bonhomme.

    Son expression était tout entière contenue dans son sourcil haussé, laissant entendre qu'il venait de comprendre quelque chose de très important. Puis le sourcil retomba.

    "Bien sûr", reprit-il.

     

    Revue de presse

    La Liberté de l'Est

    10 avril 1996 (Livres en Liberté). Raymond PERRIN

    Les Caïmans sont des gens comme les autres : auraient-ils les mêmes appétits féroces ?

    La surprise est grande quand on sait qu'a été montée à Paris, en 1991, une pièce de théâtre homonyme, écrite par Pelot et par le comédien Christian Rauth. Or, la lecture des premiers chapitres suffit pour se rendre compte qu'il ne s'agit en rien d'une "adaptation", mais l'écriture romanesque, entièrement recomposée, d'une intrigue similaire, avec "une toute autre façon de raconter l'histoire". La pièce était une "comédie", sans doute grinçante, alors que nous lisons plutôt un drame qui flirte avec le thriller, même si les dialogues savoureux et cocasses, riches en inventions burlesques et inattendues, sont bien ceux qui ressortissent du théâtre comique.

    Une telle réécriture exigeait la création d'un cadre réaliste, avec ses couleurs estivales, ses odeurs, ses senteurs, et surtout ses chants d'oiseaux. On ne sera donc pas étonné de retrouver "la montagne (...), grosse bête endormie, le dos rond, couverte d'une épaisse toison laineuse d'un vert pratiquement uniforme", ou "les crêtes bossues qui cernaient la vallée", avec "les odeurs chaudes de résine et d'aiguilles de sapin, sèches ou vertes" d'un été caniculaire, et "les sifflements exubérants des merles"...

    Une trame purement chronologique, un choix limité de lieux essentiels : un café, un hôtel, la serre des sauriens. Une brochette de personnages hauts en couleur, parfois dingues ou pourris, mais peu nombreux : voilà des moyens efficaces, excluant toute complication inutile, pour laisser le lecteur déguster une histoire linéaire, sans temps mort. D'ailleurs, ces lieux pourraient aussi bien se déporter dans la Louisiane qui a inspiré au vieux Caron "cet incroyable autel d'un autre temps et d'un autre monde", du plus pur style New Orleans, et les personnages semblent des cousins de ceux qui hantent les romans de Faulkner, Steinbeck ou William Kennedy ! Ils en ont le parler rude, sans concession, les coups de gueule d'autant plus violents qu'ils sont le masque pudique d'une vraie tendresse.

    Un curieux client "incognito"

    Dans un café de province, débarque "incognito" un homme politique, Maxime Tarot-Fortin, surgi de sa "Mercedes 259 CE 1970, modèle coupé, blanc ivoire", du moins avant que des paysans en colère ne la repeignent au purin. Son interlocuteur, l'unique client du lieu, est un jeune homme campagnard, chevelu, teigneux et plus obsédé qu'un adolescent de Manara. Sa nonchalance habituelle est seulement intriguée par les zizillements des insectes omniprésents, dans le sillage de l'élu régional ! Pas étonnant si les dialogues font mouche ! Son surnom de "gamin" n'explique pas la crudité de son langage qui dévoile bien des hypocrisies, met à nu les calculs des âmes se débattant dans le huis clos d'un fond de vallée déchue. Son collègue de boisson étant un homme politique, il détecte sa solide langue de bois, bonne pour "raconter des choses avec des mots qu'on comprend juste que ça va nous entuber", comme il le dit dans sa langue, souvent plus verte que les plus verts sapins des Vosges.

    Il emmène, "d'lautre côté de la vallée", le voyageur "incognito", jusqu'à l'hôtel de son grand-père. Sous une chaleur caniculaire, dans une clairière, apparaît le "Louisiane Hôtel" dont le propriétaire, aussi décati que sa bicoque anachronique, ne paraît guère enchanté à première vue de ce "client", surtout quand il apprend qu'il s'agit d'un homme politique.

    Des caïmans et des hommes

    A ce stade du récit, tout pourrait basculer comme dans La Nuit sur terre, car on frôle le kidnapping. La figure centrale est celle du patriarche désabusé qui élève de curieux "lézards", des caïmans voraces, atterris là par pénurie d'alligators ! Vieil homme lucide, même quand il fait semblant de "rétaboquer" une semelle à réparer, il régit un monde désormais menacé par les magouilles de politiciens véreux. "L'élu régional", lui, s'adapte vite, aidé par l'alcool de plantes du grand-père. Passé le "baptême" du rideau de purin, il opère, peu à peu, une étonnante traversée des apparences qui retentira sur toute sa personnalité. Du stade de frimeur, au langage aussi convenu que ses "boots de cuir jaune", il accède, après l'interjection "Ha-Ha", aux fragments d'un discours amoureux, pas toujours cohérent, mais sincère ! Car il est séduit par la mère du "gamin", la fille de Caron, nymphomane endiablée, mais aussi femme aux atouts superbes, moulés dans des robes irrésistibles. L'arrivée de deux "footballeurs", armés jusqu'aux dents, peut encore faire craindre le pire. Mais il ne s'agit ni d'un thriller politique, ni d'un roman noir débouchant dans l'horreur, ni d'un simple divertissement. Loin du récit à thèse et du manichéisme qui "sauverait" les bons et fustigerait la gent politique véreuse, le roman n'épargne personne et dénie toute revendication d'innocence. Pelot manipule scalpel et grattoir qui décapent les reins et les cœurs plus sûrement que les trop délicats brosses et pinceaux habituels. Même si l'humour grinçant habille parfois le drame d'effets comiques et déclenche des fous rires irrésistibles, le tableau de l'humanité singulière, aussi agitée que les caïmans dans leur jungle de pacotille, paraît dévastateur, et les humains n'ont rien à envier à la cruauté naturelle de leurs congénères animaliers. Les femmes, plus généreuses en tendresse physique qu'en réconfort moral, ne semblent pas davantage gâtées que les mâles déboussolés échoués là.

    Un cocktail détonant

    Ni les bonnes âmes de la littérature-jeunesse impuissantes à enfermer ce brûlot des sens dans le tiroir trop bien étiqueté d'un faux genre, ni l'arrière-garde du M.L.F., peu encline à accepter cet hymne, partial et plutôt machiste, voué au corps féminin, ni les fabricants de déodorants, ennemis des vraies odeurs, ne promotionneront l'ouvrage. En revanche, tous les autres, pour peu qu'ils acceptent que l'on brise le carcan des conventions sournoises, apprécieront ce cocktail détonant et subtilement dosé, puisque le nombre des survivants équivaut à celui des trépassés. Il marie les plats les plus épicés, d'un érotisme torride, aux dialogues savoureux, davantage susceptibles de plaire aux gourmands qu'aux palais délicats des gourmets, car Pelot ne dédaigne pas, pour imploser la langue de bois, les moyens fracassants de la grosse farce ou de l'artillerie lourde. Sachons qu'au cœur de ce microcosme abandonné de tous, loin d'un monde voué au textile, à vau-l'eau depuis que "les synthétiques ont fait la nique à la fibranne et à la singalette", hommes et vallées ont depuis longtemps appris à vivre avec leurs cicatrices. La pièce étant écrite, souhaitons qu'elle soit reprise, ou publiée. Ce ne serait pas pour déplaire à Claude Piéplu qui a joué naguère le rôle du vieux Caron !

     

    A suivre

    N° 220, mai 1996. Joëlle WINTREBERT, page 144

    Pierre Pelot nous surprendra toujours. D'abord par son sens des entrées en "matière". Celle-là frappe une nouvelle fois, ô combien, avec son politicien égaré en pleine campagne dont la voiture (de collection s'il vous plaît) a été badigeonnée à la lance à purin, au hasard d'une manifestation paysanne. Absolument dépassé par ce qui lui arrive (et par l'odeur de merde qui l'accompagne), Maxime Tarot-Fortin a la poignée de main et le tic verbal incoercibles, bref, il est assez caricatural, quoique d'une naïveté qui paraît confondante vu sa fonction. Sa rencontre avec "le gamin" qui n'a, lui, rien de rassurant laisse augurer le pire. Tarot-Fortin semble une victime désignée pour la pâque. Et cette sensation s'aggrave quand le gamin l'amène à Caron, son grand-père. C'est que Caron hait les politiciens (par la faute de qui son hôtel New Orleans périclite), et Tarot-Fortin ne cache pas qu'il traîne une sale histoire. Ajoutez deux tueurs à la recherche dudit Tarot-Fortin (et peu embarrassés par l'accumulation des cadavres), de vrais caïmans avides de chair fraîche, la mère du gamin, trop belle et trop déjantée, l'inévitable secret, et vous aurez tous les ingrédients d'une de ces histoires noires, très noires dont l'auteur est coutumier... Mais ce serait sans compter sans son sens des retournements et surtout sans sa tendresse pour ses personnages, et particulièrement les plus dingues, ou les plus déphasés. Pierre Pelot nous aurait-il donné, avec Les Caïmans sont des gens comme les autres un roman optimiste ?

     

    Sud-Ouest dimanche

    5 mai 1996. François RAHIER

    Pierre Pelot : caïmans et compagnie...

    Comme ces bâtisses somptueuses lentement digérées par la jungle que la forêt brésilienne recèle encore en son sein, témoins immémoriaux d'une gloire éphémère, l'hôtel dresse sa silhouette incongrue au détour du chemin, fragment de Louisiane égaré en plein cœur des Vosges, avec sa façade de bois au blanc passé, sa véranda, son bayou pas loin, une serre chaude piaillante d'oiseaux exotiques et l'écœurante mare d'eau croupie où s'ébattent les caïmans. Son passé de gloire est encore loin devant lui, cependant, ou à jamais enfoui dans les rêves incertains du trio picaresque qui le fait vivoter, bon an mal an : Caron, le père, héritier sans le sou des filatures de la vallée, revenu des Amériques avec cette lubie rococo ; Joani, sa fille, quadragénaire au bois dormant, hébétée de drogues depuis la disparition mystérieuse de l'oiseau de passage qui lui fit un garçon jadis ; Martin, le petit-fils enfin, godelureau obsédé pour qui l'univers se résume aux paires de seins qu'il peut entrevoir de temps à autre et qui semblent sa seule raison d'être.

    C'est dans ce bout du monde un peu fêlé que débarque Maxime Tarot-Fortin, conseiller général en cavale après une minable affaire de politique locale ; il vient de forcer un barrage routier sous les lances à purin des paysans en colère. Sera-t-il le prince Charmant de la belle Joani, comme tout semble l'indiquer, ou la victime du chantage de Martin, qui ambitionne de faire de l'hôtel un bordel, extravagant objet de tous ses fantasmes ? Et qui sont ces footballeurs aux allures de truands bizarrement descendus eux aussi à l'hôtel Louisiane ?

    Entre roman noir et chronique paysanne, Pierre Pelot nous livre ici une œuvre jubilatoire à l'humour décapant où l'écriture atteint une sorte de sérénité. Enfant des Vosges, auteur d'une œuvre un peu vite qualifiée de populaire, Pelot fut le plus violent et le plus désespéré des écrivains de SF de sa génération.

    Dans ce roman-divertissement, sa désespérance se fait sagesse. La truculence du verbe résonne encore de la fibre libertaire quand il s' agit de vilipender les politiques, mais le parti pris d'en rire, ou d'en jouir, ce qui revient au même souvent, l'emporte dans cette aventure gaillarde dont la verve évoque parfois Marcel Aymé, sa Jument verte ou les éléphants d'Uranus. Peut-on en vouloir à Caron, alors, de sa tendresse ambiguë pour les caïmans : ce sont toujours les mêmes pauvres types qui font les basses besognes, non ?

     

    L'Année de la fiction 1996

    Bibliographie critique courante de l'autre-littérature. Paul MAUGENDRE, page 239

    En forçant un barrage d'agriculteurs, la voiture du conseiller général Maxime Tarot-Fortin a été arrosée de purin. Il s'arrête dans un petit village. La station service est fermée, faute de clients. Seul le bar est ouvert. L'unique consommateur, Martin, un obsédé des femmes, emmène le politicien chez son grand-père qui tient un hôtel. L'établissement est désert, situé trop loin de l'autoroute et des touristes de passage. Après une nuit de stupre et d'alcool en compagnie de Joani, la mère de Martin qui attend depuis quinze ans le retour de son mari disparu, Tarot fait le tour de l'habitation. Il visite la serre attenante à l'hôtel. Au milieu d'une végétation luxuriante et exotique, il trouve Caron, le propriétaire, donnant à manger à ses caïmans.

    Deux tueurs repèrent la voiture de Tarot à la station-essence. Ils tuent la serveuse puis son mari après que celui-ci a fini de laver le véhicule. Puis ils se rendent à l'hôtel se faisant passer pour des clients.

    Caron sent que leur arrivée coïncide avec celle de Tarot qui lui a avoué qu'il était en cavale, d'autres détails corroborant cette intuition. Leur intention dévoilée, les deux tueurs pourchassent la famille Caron et le conseiller jusque dans la serre. Ils sont pris en tenaille et, blessés, servent de pâture aux caïmans. C'est le moment des confidences. Martin, dont la libido s'est développée lors de contacts incestueux, a pris des photos de sa mère copulant avec Tarot. Un atavisme puisque son père fixait sur pellicule les ébats de Joani avec des clients de passage, dans le but d'exercer un chantage lucratif. Jusqu'au jour où le père de Martin a fini dans les entrailles des sauriens. Joani, spectatrice et peut-être responsable de cet accident, préférait croire en la thèse d'un départ subit. Tarot est en cavale à cause d une vague magouille politique. Élu à la place de son beau-frère, sur les conseils de celui-ci, il a imaginé lancer la rumeur selon laquelle il serait à l'origine d'une tentative d'escroquerie immobilière afin de mieux prouver ensuite son innocence. Son stratagème s'est retourné contre lui. Caron démontre que les tueurs n'ont pu retrouver sa piste que sur les indications de la femme du conseiller, elle seule connaissant son lieu de retraite, prévenue par un appel téléphonique. Entre Joani et Maxime Tarot, c'est le début d'une nouvelle vie.

    Inspiré d'une pièce de théâtre co-écrite par Pierre Pelot et Christian Rauth jouée a Paris en 1993, ce roman reflète tout l'univers noir de Pierre Pelot situé une fois de plus au cœur de sa région de prédilection, les Vosges. Tout en dénonçant en filigrane les affaires de corruption politique, il met en scène des personnages à moitié déjantés, ersatz des protagonistes de Noires racines ou encore de L'Été en pente douce, entre autres. Ils sont tous atteints d'un brin de folie, qu'ils entretiennent consciemment ou non, de Janisette, la serveuse aguicheuse, aux tueurs, le négatif des Blues Brothers, en passant par les membres de la famille Caron, qui puisent dans leurs fantasmes la volonté de vivre, ou de survivre.

     

    Page créée le dimanche 16 novembre 2003.