Dictionnaire de Jérôme GARCIN

 
 


Notice rédigée par Pierre Pelot pour Le Dictionnaire de Jérôme Garcin.- Paris : Éditions François Bourin, 1988.- 452 p.


PELOT, Pierre (1945-...)


L'individu naquit un 13 novembre. Scorpion ascendant Balance, après quoi il se mit à écrire des histoires, et il en écrivit beaucoup car c'était un écrivain. Il n'eut jamais à avoir envie de le devenir : il l'était. Il le sera toujours - pense-t-il, ce qui est une façon naïve et finalement pas très méchante d'exercer son aptitude à la vanité.

C'est vrai qu'il a toujours aimé les histoires, celles qu'on lui racontait, et les autres, encore libres, qu'il s'efforçait d'attraper. Les histoires, c'est un peu de la vie en dimanche. Au temps où il était obligé de travailler comme tout un chacun, le meilleur jour de la semaine était bien évidemment le septième. Tout s'explique donc. Du jour où il s'est placé au service des histoires, il a bien vite compris que le dimanche était une invention diabolique, et en même temps ça n'existe pas : les histoires, c'est la vie en dimanche tous les jours.

N'empêche, c'est un curieux écrivain : il n'a pas d'autre vraie profession, il ne signe pas de critiques dans les rubriques, il n'est pas journaliste, ni professeur de ceci, encore moins de cela, ni footballeur, ni P.P.D.A., ni grand ou petit chirurgien, ni homme politique, ni présentateur de journal, ni speakerine, ni chroniqueur ici ou (encore moins) là, ni rien ; et il ne sait rien faire d'autre qu'écrire des livres ; il n'a pas la barbe bien taillée, ni souvent les ongles propres ; il déteste passer à la télévision comme à la radio, où on lui demande quelquefois de venir pour parler et paraître - pour exister, en somme, comme il faut semble-t-il d'abord savoir exister.

En un mot tout cela l'emmerde. Il n'aime pas les gens "de la profession" qui rient fort, comme des caricatures d'eux-mêmes, n'ont jamais lu une ligne de ce qu'il a écrit et viennent lui dire comment diriger sa carrière. Ces gens-là existent.

Au début des notices biographiques le concernant, on lit : il est né dans les Vosges où il vit toujours avec sa femme, son fils, son chien et des chats. Il semblerait que tout ceci soit plutôt étrange dans l'esprit du rédacteur de ces lignes, qui pense probablement que ladite étrangeté attirera le lecteur. Est-ce bien raisonnable, au fond, et compatible avec cette Image qu'aujourd'hui - comme hier ? - l'Écrivain doit donner ? La réponse est non, sans doute. Notre individu le sait bien, mais il persiste dans son ridicule, auquel il est habitué, et qu'il préfère à celui du plateau d'Apostrophes. C'est une tête de cochon.

Il n'aime pas les gens, sauf certains. Il aime bien les personnages, sauf certains. Et ne s'aime pas non plus vraiment - sauf certains, évidemment. Ce qui n'a aucune importance.

Il rêvait qu'on le lise.