Alabama. Un. Neuf. Neuf. Six.

 
 
 

Date et lieu

En 1996, en Alabama, USA.

Sujet

Il allait sourire quand le présentateur de la télé murale parla de ces deux déments et du carnage de Barlow Bend.
 - Qu'est ce que vous avez ? dit la voix de mort caverneuse du barman. J'vous ai donné vot'aspirine ?

- C'est rien, dit Mat Pealbean. Redonnez m'en deux. Ca va passer…
Et dans sa tête, la petite voix - la sienne - continuait de ricaner… (4ème de couverture, 1987).

 

Éditions

Couverture anonyme.

  • 1ère édition, 1987
  • Paris : Fleuve Noir, juin 1987 [impr. : 05/1987].
  • 18 cm, 181 p.
  • Illustration : couverture anonyme / Vloo-Young Artists.
  • (Anticipation ; 1553).
  • ISBN : 2-265-03608-0.
  •  

    Première page

    Naturellement, en vérité, tout commença ailleurs et bien longtemps auparavant. Mais il faut bien tenter un début quelque part, comme on attrape une balle au vol, un début qui, tout menteur et apparemment approximatif qu'il soit, n'en est pas moins aussi fiable, aussi solide - peut-être même probablement davantage - que ne l'est le véritable début dont les racines, pareilles à celles d'un sacré saule sauvage vert, se perdent et s'enfouissent à Dieu sait quelles distances du tronc visible de l'arbre. Et ce n'était pas à quelques centaines de miles de ce bled d'Alabama, dans les collines, rizières et marais à l'abandon de la fourche entre la Tombigbee River et l'Alabama River, que le véritable début eut lieu ; ce n'était pas uniquement une question de distance géographique ; c'était si bien enfoui ailleurs et dans le temps que seules quelques personnes auraient pu préciser où et quand, pour avoir vécu ces instants de la genèse. Encore qu'un certain nombre d'entre elles qui formaient le noyau primitif fussent à présent décédées ou disparues, de toute façon muette - ce qui n'en laissait pas beaucoup, vraiment, susceptibles de dire quoi que ce fût, un seul mot, en admettant qu'un téméraire un peu fou leur mît la patte dessus pour leur poser des questions. Parce que les seuls qui pouvaient se permettre de n'être pas muets et toujours en vie étaient ceux qui ne savaient rien, tel ce type qui dans la conversation vous décrit cette grosseur gênante qu'il a découverte sous son aisselle sans se douter une seconde qu'il a ramassé - ce qui est parfaitement inconcevable pour l'époque et dans ce pays - la peste bubonique.

    Il n'existe guère d'autre façon de voir les choses, de les appréhender : se dire - savoir - que ce n'est pas le vrai commencement, mais faire comme si.

    C'était un mercredi de début novembre frais et brumeux, un peu après midi. L'été indien dont Mat Pealbean gardait des souvenirs de gosse enivrants (et c'était bien les seuls souvenirs de gosse un tant soit peu agréables qu'il prenait la peine d'entretenir), cette période de chaude accalmie, comme un sursis, une grâce du ciel suspendue au-dessus de votre tête avant le plongeon dans les froidures, pendant laquelle vous vous sentez grisé par le profil obligatoire du moindre instant qui coule entre le lever du jour et jusqu'après son déclin - l'été indien, donc - , n'avait pas eu lieu. Ou alors c'est que peut-être Mat Pealbean ne se trouvait pas au bon endroit - plus exactement : aux bons endroits. Ce qui était bien possible.

    Depuis un moment déjà, où qu'il fût, Mat Pealbean, invariablement, ne se trouvait pas au bon endroit. Non pas faute d'en avoir envie. Et cela commençait même par devenir davantage qu'un désir profond : ça prenait l'allure d'un besoin urgent ; ça n'allait pas tarder, à ce rythme, à devenir une essentielle condition de survie. Il était le premier, peut-être le seul aussi, à se faire cette réflexion, et, non seulement de temps à autre, mais, quasiment, ne plus se faire que cette réflexion-là. Il courait après le bon endroit.

     

    Revue de presse

    Fiction

    N° 389, septembre 1987. Éric SANVOISIN

    Il y a un type qui se prétend vendeur de commerce et qui solde sur catalogue des gadgets en tous genres. Mais c'est plus vrai. Il ment. Il y a un autre type qui dit rechercher son père amnésique. Mais c'est pas vrai, ça ne l'a jamais été. Il ment aussi. Il y a un vieux qui sillonne le pays et change de nom à chaque bled traversé. Ça, c'est vrai. N'empêche que le vieux ment également comme un coupeur de dents, non, comme un arracheur de têtes... Le vieux est dangereux. Il est porteur d'un virus de mémoire qui pousse les gens à s'entretuer parce que bon Dieu il y a trop de neige dans ce putain d'été et il fait un froid d'enfer...

    Alabama. Un. Neuf. Neuf. Six. est d'un abord malaisé. Son style plein d'accrocs et sa pénurie d'informations réelles échaudent le lecteur d'emblée. Où va-t-on ? A la limite, on s'en fout, le personnage central n'étant vraiment pas à la hauteur tellement il manque de consistance.

    De deux choses l'une, soit Pelot a voulu jouer avec son style, l'expérimenter pour voir jusqu'à quel point la lourdeur était tolérable, soit déguiser une vague idée en roman en se gardant bien de l'approfondir. Le résultat est lisible mais un peu court, qualitativement et à proprement parler. 180 pages d'un texte étiré dont l'action ne s'emballe que vers la page 120... On aurait pu espérer mieux de Pelot, comme d'habitude. Il faut avouer que ses derniers romans parus au Fleuve Noir Anticipation s'avèrent un peu tristounets et décevants. Pelot s'use ou le lecteur s'use. Les deux à la fois, probablement. Mais je ne veux surtout pas effaroucher les inconditionnels de l'auteur, dont je fus, qui passeront outre à mes avertissements bien médisants. Pas vrai ?

     

    Page créée le mardi 4 novembre 2003.