Offensive du virus
sous le Champ de bataille

 
 
 

Date et lieu

En janvier 1997, aux États-Unis.

Sujet

En janvier 97, ils ne parlaient plus de guerre. Mais de blocus, oui.

Et le Sud était transformé en une gigantesque prison, un camp de malades condamnés à plus ou moins longue échéance, que personne ne savait ou ne voulait sauver des ravages du virus de mémoire parasite qui changeait les gens en fous meurtriers. (4ème de couverture, 1987).

La petite histoire... Il devait y avoir, annoncé dans ce tome 5 de La Ballade de Tony Burden, un Dernier couplet qui n'est jamais paru...

 

Éditions

Couverture de Tim White.

  • 1ère édition, 1987
  • Paris : Fleuve Noir, octobre 1987 [impr. : 09/1987].
  • 18 cm, 183 p.
  • Illustration : [Tim White] / Vloo (couverture).
  • (Anticipation ; 1580).
  • ISBN : 2-265-03696-X.
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    Première page

    C'était un jour de janvier 1997 ; lequel, exactement, Burden n'aurait su le dire ; en début, milieu ou fin de semaine, il ne savait pas. Depuis trop longtemps, ce maelström dans lequel il survivait avait transformé en tourbillon cet ordonnancement hebdomadaire.

    Le nom des jours, il s'en fichait bien. La seule chose importante était qu'ils continuent de se succéder encore, encore et toujours, envers et contre tout. Et qu'il en soit témoin, lui, à chaque aube une fois encore, à chaque crépuscule une fois de plus.

    Il n'y avait pas d'autre urgence.

    Il n'existait plus d'autre façon d'exister ; pour Burden, en tout cas.

    C'était un jour de janvier 1997, en Tennessee (au moins, il savait cela : le Tennessee), probablement à l'approche du soir, bien que la grisaille du ciel, ici encore, ne fût pas un indice précis sur l'usure quotidienne du temps. C'était tout aussi gris et lourd le matin, de la pointe du jour jusqu'à son déclin brusque qui plombait les collines pendant quelques minutes avant de les faire disparaître dans le sombre.

    Il ne savait pas davantage le nom de la ville ; il ne prêta aucune attention aux panonceaux indicateurs, lorsqu'il passa à leur hauteur, c'est-à-dire qu'il les lut machinalement, exactement comme il aurait pu lire sans y prendre garde ces affiches publicitaires de Coca-Cola qui, placardées partout, et d'immémoriales qu'elles avaient pu être, semblaient maintenant d'un autre âge, monstrueusement anachroniques.

    C'était une ville comme il en avait traversé des dizaines depuis quelques semaines, tout au long de la ligne de front qui séparait les treize (ou presque) États du Sud condamnés au blocus du reste des U.S.A., ce qui avait été un pays soudé, la plus grande puissance au monde, disait-on. Une de ces villes-là, non seulement tout du long de la ligne de front nord, mais dans ce qui était devenu une sorte de no man's land de quelques dizaines de miles : les territoires de la frontière retrouvée, sauvages, à la fois brûlés et embourbés dans une violence qui semblait sourdre du sol même.

    Une ville comme ça. Et comme les trois quarts d'entre elles, pratiquement désertée par ses occupants d'origine, qui avaient dû, dans un premier temps, tenter de passer au Nord, avaient été refoulés impitoyablement, mais n'étaient pas pour autant rentrés chez eux, trop près de la ligne ennemie. Ils étaient partis ailleurs, Dieu sait où, cherchant d'autres chemins et d'autres échappatoires, d'autres chances de quitter le piège, et ne les ayant certainement pas trouvées, erraient ici ou là, ayant quitté une fois pour toutes leur maison que d'autres bandes en vadrouille pillaient ou occupaient après avoir réussi à se faufiler entre les mailles lâches des filets tendus par les troupes confédérées qui s'efforçaient, du mieux qu'elles pouvaient, de maintenir un semblant d'ordre.

    Tout ce qu'il connaissait, c'était la route, sur le bord de laquelle il avançait depuis des jours - depuis qu'il avait tué son cinquième homme -, en direction de Knoxville. Mais pourquoi Knoxville plutôt qu'une autre ville, c'était encore quelque chose de bien mystérieux, qu'il eût été incapable d'expliquer, si d'aventure quelqu'un le lui avait demandé.

    Il avait décidé Knoxville dans sa tête. Voilà tout.

     

    Revue de presse

    Fiction

    N° 393, janvier 1998. Éric SANVOISIN

    Offensive du virus sous le champ de bataille signe l'avant-dernier couplet de la ballade de Tony Burden. Pelot tire à la ligne, fait traîner en longueur l'histoire de ce pauvre type qui a eu la malchance de cumuler une enfance ratée, une vie ratée, une retraite ratée et une vieillesse qui se poursuit vaille que vaille dans un pays chaotique et tuméfié.

    Burden continue son errance, mû par le hasard et par un désir de vengeance inscrit en filigrane contre le docteur Morgansen, responsable de tous ses malheurs et de ceux de la population du Sud des États-Unis. Il rencontre des gens, paumés ou illuminés, résignés ou opportunistes, malades ou morts. La question essentielle qui mine les consciences des abandonnés est celle-ci : le gouvernement cherche-t-il à sauver le Sud ou au contraire à activer le nettoyage opéré par le virus et à faire le vide ?

    Burden retrouvera probablement le mystérieux Morgansen dans le dernier acte de sa ballade et lui fera la peau comme les désespérés font la leur à tous les médecins qui traînent encore de ce côté-ci de la quarantaine.

    Pelot, c'est bien ou ça n'est pas bien. Mais une réaction intermédiaire et paradoxale paraît possible ; il semblerait qu'on puisse aimer Pelot même quand ça n'est pas tout à fait bien, parce que ses œuvres, y compris les plus mineures, sont habitées par la richesse et l'intensité qui naissent du désespoir et de la violence, c'est-à-dire de la partie la plus visible de la marginalité sociale.

     

    Page créée le mercredi 5 novembre 2003.