Oregon

 
 
  • Pierre Pelot
  • 2017 | 179ème roman publié
  • SF
 

Date et lieu

De nos jours, en France.

Sujet

De nos jours, la France vit sous dictature militaire. Les citoyens sont fichés, surveillés, formatés.

Oregon, 25 ans, travaille à la Section de Sécurité Prédictive. Sa mission : guider le présent en direction d’un futur « admissible ». En d’autres mots, manipuler l’information et la population, au besoin de façon musclée. Et museler les rebelles retranchés dans les Territoires ouverts, qui tentent de lever le voile sur la véritable histoire du monde.

Dans une maison abandonnée en zone dissidente, Oregon et son jeune frère attendent des nouvelles de leur hiérarchie lorsqu’un homme mortellement blessé s’écroule à leur porte.

C’est un Raconteur, l’un de ces vagabonds rebelles, détenteurs d’une mémoire collective fragmentée, qui révèle à ceux qui en prennent le risque le vrai visage de l’histoire et la guerre dissimulée.

Il poussera Oregon et Killian à la recherche de la vérité, au péril de leur vie. Qui est responsable de cette amnésie mondiale, et que cache-t-elle ? (4ème de couverture, 2017).

 

La petite histoire... Ce roman est une complète réécriture de la série Les Raconteurs de nulle part, publiée au Fleuve Noir en 1990. Le sous-titre L'intégrale est de trop sur la couverture...

 

Éditions

Couverture : Rekha Garton / Arcangel Images.

  • 1ère édition, 2017
  • Paris : Bragelonne, avril 2017.
  • (Bragelonne Science-Fiction).
  • 24 cm, 785 p.
  • Illustration : Rekha Garton / Arcangel Images (couverture).
  • ISBN : 979-10-281-0135-0.
  • Prix : 25,00 €.
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    Couverture : Rekha Garton / Arcangel Images.

  • 2ème édition, 2017
  • Paris : Bragelonne, 19 avril 2017.
  • (Bragelonne Science-Fiction).
  • Livre numérique.
  • 792 p.
  • Illustration : Rekha Garton / Arcangel Images (couverture).
  • ISBN : 979-10-281-0135-0.
  • Prix : 12,99 €.
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    Première page

    Oregon, ma grande, ma petite fille.

    Tu me vois, tu m'entends, alors il y a sans doute un espoir, encore.

    Encore un espoir, Oregon, mon amour.

    Je ne t'ai jamais dit ces mots-là. Oregon, mon amour. Ma belle enfant.

    Ces mots-là qu'un père ne prend que trop peu souvent la peine, comme si c'était de la peine, de prononcer pour son enfant. Ou alors trop tard. Aux accents du regret brûlant. Je ne veux pas imaginer qu'il soit trop tard, pas une fraction de seconde.

    Oregon, mon amour de petite fille. Ma grande.

    Je n'oublerai jamais les images terribles, la bande-son d'ambiance, en rafales spasmodiques. Il est idiot de croire que l'oubli soit possible, l'évidence hurlée du contraire emplit mes oreilles d'acouphènes permanents et braillards. Je n'oublierai jamais les images, ces images-là tout particulièrement. Cette gueulée de pleins crocs arrachée au malheur. Je suppose que je ne pourrais davantage oublier une morsure qui m'aurait amputé d'une partie de mon corps de chairs et d'os. Je crois.

    Pourtant il est admissible désormais de se préserver des souvenirs. Possible dorénavant de s'estropier en dégringolant les méandres rugueux de la mémoire. On peut se protéger de ces effets-là. S'en tenir à l'abri, autant que faire se peut.

    Il est possible désormais du pire, et de multiples manières. Par le miel ou le poison, les moyens sont devenus innombrables, et sur tous les plans - ce n'est rien de le dire.

    Tu en sais quelque chose, Oregon ma petite, grande belle fille.

     

    Revue de presse

    Positive rage

    Signé MG, sur http://www.positiverage.com/?p=8664 - 5 septembre 2017

    Pierre Pelot Touche à tout

    MG : Les éditions Bragelonne viennent de sortir (en avril, pour être précis) l’intégrale d’Oregon, un récit sorti initialement en 1990 sous le titre de Les Raconteurs de nulle part, que vous avez décidé de remanier et de renommer pour l’occasion. Pourquoi avoir décidé de vous replonger dans ce récit et quels changements y avez-vous apporté exactement ?

    PP : Ce n’est pas un remaniement. C’est une écriture inédite, tout bêtement. Je râlais contre ce terme « L’intégrale » assorti au titre. Dès avant la publication. Mais c’est ainsi que ça s’est passé quand même… Ce n’est absolument pas une intégrale. Je me suis vaguement inspiré de romans précédemment écrits au Fleuve Noir, et traités ici comme une forme de vague synopsis. Mais tout est réécrit en une seule unité. Tranchée en saisons. D’ailleurs, le personnage d’Oregon n’existe pas dans les romans « inspirateurs », ni son frère, ni sa famille, ni… J’ai eu le tort de titrer les saisons d’après les titres utilisés par les romans. Ça c’est une erreur. Je n’aurais pas dû. Donc j’ai eu envie de raconter une énorme histoire sur le thème, un peu, de la création, un truc quantique — et j’ai tout écrit et réécrit.

    MG : L’héroïne du roman, Oregon, est à la recherche de son identité dans ce monde post-chaos. Ce qui explique la construction très singulière et complexe du roman… Créer ce véritable labyrinthe narratif a dû être l’une des principales difficultés de votre travail, non ?

    PP : Oregon est à la recherche de son identité, mais pire que ça : elle est à la recherche de sa réalité. Et ne comptez pas sur moi pour dire ici qui elle est réellement. Ça n’a pas été simple de traverser ce monde-là, non. J’ai une petite montagne de documents préparatoires. Mais ça c’est les coulisses, la partie invisible de l’iceberg. En fait, ça ne regarde personne. Mais la narration de plusieurs univers imbriqués, suggérant sans doute la possibilité de plusieurs milliers, impliquait cette façon de faire. Pour moi en tout cas.

    MG : Du coup, le lecteur se retrouve, comme Oregon, dépendant de ce qu’il lit, au fur et à mesure, pour découvrir la vérité. Et la complexité narrative du récit lui donne l’impression, par moments, de ressentir ce qu’Oregon ressent. Est-ce aussi pour cela que vous avez choisi un récit long, pour pouvoir perdre le lecteur dans ce labyrinthe mémoriel, pour lui faire ressentir, à plus petite échelle qu’Oregon, ce qu’elle traverse, son combat pour se souvenir…

    PP : Le récit d’une telle épopée s’imposait en longueur. Toutes proportions gardées, on n’écrit pas Guerre et paix en 20 pages. J’ai bien dit « toutes proportions gardées »… Donc, j’ai à peine choisi. Le récit a imposé sa longueur. Et bien sûr si le lecteur peut ressentir à la place d’Oregon ce vertige, c’est gagné. C’est une bonne chose.

    MG : La manipulation est au centre du roman. Les gouvernants, les sectes religieuses, Danigo : les sources de manipulation sont si nombreuses pour les personnages que certains ne savent plus qui ils sont vraiment et dans quel camp ils se trouvent en réalité. Difficile de ne pas y voir une mise en garde concernant notre société actuelle où la menace de manipulation est plus forte que jamais…

    PP : Mise en garde, je ne sais pas. Mais c’est un constat. Cette histoire est écrite sur un constat.

    MG : Dans Oregon, cette manipulation est possible car les gens ne se souviennent plus. On les « efface » pour pouvoir les reformater, ou alors des maladies psychiques troublent leurs capacités cognitives. La mémoire est l’un des thèmes centraux du roman…

    PP : Tout à fait. La mémoire et l’imagination. La capacité d’imagination. Vitale, en l’occurrence. Le phénomène de mémoire m’a toujours fasciné. On n’existe pas sans la mémoire. On n’avance pas. Et sans l’imaginaire non plus. Mais que devient l’imaginaire sans la mémoire, et la capacité de s’en souvenir ? La vie est construite sur le souvenir — ou son manque.

    MG : Le libre arbitre est une illusion, dit Atton Terrance, dans le le récit. Et en effet, dans le roman, les individus sont formatés (au sens littéral du terme puisqu’on leur implante une nouvelle identité dans le cerveau), conditionnés pour une mission, un objectif précis, sans qu’ils puissent réfléchir ou mettre en doute ce qu’ils sont. Difficile une nouvelle fois de ne pas faire un parallèle avec notre présent…

    PP : En fait, je me suis rendu compte que je ne parlais jamais mieux — mieux je ne sais pas, disons autant — du présent qu’à travers mes romans dits de science-fiction. Ce sont, allez, des paraboles ? Le mot est lâché… Des allégories ? Il n’y a pas mieux pour regarder le présent au microscope.

    MG : L’extrémisme religieux est au cœur du récit également. C’est lui qui a mené la planète au Chaos. Et Ethan dit, dans le roman : Les loups, au moins, ne mordent pas au nom de Dieu. Vous ne semblez pas vraiment porter la religion dans votre cœur…

    PP : Ni dans mon cœur ni dans mon ventre ni dans ma tête. C’est la pire invention de ce qui diffère les hommes des animaux. Le pire déchet de l’intelligence. La pire et la plus dangereuse scorie empoisonnée. Inventée par la peur et l’incompréhension alimentées par après par l’imbécillité soigneusement entretenue sous le déguisement imposteur de la connaissance. Au fil du temps de l’évolution humaine on n’a jamais tué autant et commis de pires exactions qu’au nom de dieu.

    MG : La résistance s’organise malgré tout contre cette dictature et elle est menée par les Raconteurs qui transmettent les bribes d’événements dont les gens se souviennent encore au milieu de cette amnésie généralisée. Les Raconteurs, métaphoriquement, ce sont les artistes, les écrivains, non ? Ce sont eux, selon vous, qui doivent mener la résistance, dans notre société, face à la manipulation et doivent être notre mémoire ?

    PP : S’il en faut, oui. Et d’autres. Ceux et celles qui parlent et qu’on écoute. Suffisamment forts et habiles pour ne pas passer pour des fous. Les raconteurs sont métaphoriquement ces gens-là, oui. Il ne reste plus qu’eux.

    MG : Et ce n’était pas faire mensonge que juger sa vie comme un songe. Tout comme pour Troper, vous montrez que la vie des protagonistes n’est qu’un songe, qu’une illusion…

    PP : C’est une citation. Un extrait d’un poème d’Edgar Allan Poe, en bonne illustration de ce roman :

    UN RÊVE DANS UN RÊVE

    Recevez ce baiser sur le front ! Et maintenant que je vous quitte, laissez-moi du moins avouer ceci : – vous n’avez pas tort, vous qui estimez que mes jours ont été un rêve ! Cependant, si l’espoir s’est envolé en une nuit ou en un jour, en une vision ou en un songe, en est-il pour cela moins en allé ? Tout ce que nous voyons ou paraissons n’est qu’un rêve dans un rêve.

    Je me trouve au milieu des mugissements d’un rivage tourmenté par la houle, et je tiens dans la main des grains de sable d’or. Combien peu ! Et comme ils glissent à travers mes doigts dans l’abîme, pendant que je pleure, pendant que je pleure ! Mon Dieu ! ne puis-je donc les retenir d’une étreinte plus sûre ? Mon dieu, ne pourrais-je donc en sauver un seul de la vague impitoyable ? Tout ce que nous voyons ou paraissons n’est-il donc qu’un rêve dans un rêve ?

    MG : On en a déjà parlé : l’un des dangers qui guette la société d’Oregon est l’extrémisme religieux. La secte d’intégristes catholiques, appelée Marcheurs de la voie est dirigée par les Morano (un nom qui fait forcément écho à notre présent politique…), père et fils, que vous faites plus tard « frayer » avec les fanatiques néo-islamistes des Fils des vivants… C’est un vrai privilège de pouvoir s’offrir de petits plaisirs comme celui-là, non ?

    PP : Alors les intégrismes, en ce moment… N’est-ce pas ? Ça passe par les fous furieux jihadistes, Dahesh et compagnie, que nous connaissons bien et leurs hordes d’imbéciles flagrants, pour le coup, lâchés dans les caniveaux, aux malades mentaux bas de plafond style Trump et Kim Jong-un en représentation actuelle, et leurs publics respectifs applaudissant. En fait, l’univers d’Oregon, c’est en plein dans cette boue. Quant aux Marcheurs de la Voie et leurs dirigeants… oui, c’est un petit plaisir. Un coup de rire – jaune.

     

    Page créée le lundi 23 octobre 2017.